Monsieur Odoul, la seconde partie, sur la lutte contre les violences et les discriminations, est plus longue que la première. Surtout, la première amène logiquement la seconde : ce sont le système de gouvernance et ses défaillances qui conduisent aux dysfonctionnements systémiques en matière de VSS, de racisme et d'homophobie. D'ailleurs, les préconisations concernant la gouvernance répondent à des préoccupations exprimées dans la seconde partie, sur les violences et les discriminations.
Ensuite, vous nous prêtez des propos que nous n'avons pas tenus. Je n'ai pas souvenir que quiconque, dans cette commission d'enquête, ait dit que le racisme anti-blancs n'existe pas. Ce que nous disons, en revanche, c'est que certains sujets ne faisaient pas partie du périmètre de la commission d'enquête. Certes, son travail s'est affiné au fil des auditions : l'aspect financier et les questions de corruption ont été moins traités que prévu dans le rapport, car ils ont été moins abordés dans les auditions ; en revanche, le sujet des violences psychologiques et physiques, notamment dans le judo, s'est imposé alors que nous ne l'avions pas anticipé, si bien que nous lui avons consacré des recommandations. Mais le racisme anti-blancs ou le communautarisme dans le sport ne font pas partie des sujets qui ont émergé pendant les auditions. Si vous estimez que sont des problèmes massifs, usez de votre droit de tirage pour demander la création d'une commission d'enquête sur ces questions spécifiques. Nous, nous avons travaillé pendant six mois – et il en aurait peut-être fallu six de plus pour compléter le rapport.
Quant aux entraîneurs définis en fonction de leur couleur de peau, c'est à une citation que vous faites référence, celle d'une personne auditionnée qui indique qu'il existe de la discrimination dans la nomination aux postes à responsabilité du mouvement sportif : il y a 50 % de joueurs de football dits « racisés », mais deux entraîneurs seulement. Ainsi, l'effet miroir n'est pas au rendez-vous : beaucoup de personnes, dans le football, ne se retrouvent pas dans les instances dirigeantes. L'objectif de l'audition était de montrer ce déséquilibre flagrant.
Enfin, il y a bien un rapport très particulier d'entraîneur à entraîné. C'est apparu clairement lors des auditions de victimes. Nous ne portons pas de jugement sur ce point ; nous disons simplement que ce rapport particulier entraîne des dérives. La plupart des mis en cause dans les affaires de viol, notamment sur mineurs, sont d'ailleurs des entraîneurs – ils sont plus de 450 dans ce cas. C'est une particularité du mouvement sportif. Sur les 160 000 personnes qui ont témoigné auprès de la Ciivise au sujet d'agressions sexuelles subies lorsqu'elles étaient mineures, 27 000 concernent le mouvement sportif. Dans le sport, les victimes sont beaucoup plus jeunes – 11 ans en moyenne, contre 13 dans les autres cadres – et les violences durent plusieurs années. Si les violences sur mineurs font malheureusement partie de la société, il y a donc bien une spécificité de ce milieu.
Monsieur Buchou, je rappelle que nous avons vraiment eu beaucoup de difficulté à récupérer les documents. J'ai dû me déplacer deux fois au ministère des sports pour cela. Nous avions demandé des rapports. On nous a transmis quelques documents cinq semaines après la demande, ce qui est déjà assez tardif. Ensuite, nous avons découvert qu'il existait d'autres rapports ; on nous a dit « vous ne nous aviez pas demandé les audits, ce n'est pas la même chose » – en fait, ils ont joué sur les mots pour nous empêcher d'accéder à des informations. J'ai donc dû retourner au ministère lundi matin pour avoir les renseignements qui manquaient sur le contrôle d'honorabilité. Cette communication tardive d'éléments importants fait partie des raisons pour lesquelles vous avez eu très peu de temps pour consulter le rapport.
Le rapport n'est pas à charge contre le Gouvernement. Les phénomènes dont nous parlons relèvent d'un système qui perdure depuis plusieurs années – il ne s'agit pas spécifiquement de ce gouvernement ni de cette ministre – et qui fait que l'on est incapable de pousser le mouvement sportif à se réformer de lui-même. Il faut donc être beaucoup plus dur pour l'y obliger.
Si vous lisiez les rapports de l'Inspection générale, vous les trouveriez encore plus sévères que le mien : tout ce que j'y ai écrit vient d'eux – le mot « inertie », par exemple, ou la notion de gouvernance autoritaire à propos de la Fédération française de football – et ils sont très durs envers certaines fédérations. Quant à l'État, notre constat à son sujet est sévère, mais nous disons surtout qu'il y a un besoin d'État et que le ministère des sports doit retrouver sa place de tutelle pour travailler avec le mouvement sportif et faire avancer les choses.
Le rapport Buffet-Diagana traite beaucoup de la gouvernance du mouvement sportif, très peu des violences. Il ne parle pas du contrôle d'honorabilité, de la cellule Signal-sports ; il est très peu critique sur ces points, alors que la ministre, la directrice des sports et certains dirigeants de fédération ont reconnu eux-mêmes que les dispositifs en place, s'ils ont le mérite d'exister – nous saluons dans le rapport l'impulsion donnée par le ministère depuis 2020 –, sont à améliorer. Signal-sports est très peu connu ; quant au contrôle d'honorabilité, il soulève encore beaucoup de questions. Trente fédérations n'ont déposé aucun fichier en vue du contrôle d'honorabilité de leurs bénévoles.
Le site du ministère a d'ailleurs été modifié au cours des travaux de la commission d'enquête pour répondre à nos critiques. Si les choses n'ont pas très bien commencé, nous nous sommes donc finalement retrouvés pour faire un bout de chemin, y compris avec la ministre.
Le rapport sert aussi à signaler les imprécisions que nous avons observées dans certaines auditions et, à cet égard, la ministre n'a pas fait exception.
En ce qui concerne l'autorité administrative indépendante, sa création est très demandée par les fédérations. Elle permettra de mutualiser les moyens, ce qui remédierait au problème des disparités entre elles de ce point de vue : grande ou petite, une fédération aura accès aux mêmes moyens pour traiter les questions auxquelles elle est confrontée.
S'agissant de l'ANS, nous sommes d'accord, mais la ministre et Mme Bourdais, directrice des sports, ont signalé un problème : l'agence donne l'argent sans contrepartie et sans assigner d'objectifs clairs aux fédérations. Il faudra le résoudre pour que les subventions fassent bien l'objet d'un contrôle.
Quant aux comités d'éthique, l'Inspection générale est claire : ils manquent de transparence et d'indépendance ; ils ne fonctionnent pas. L'autorité administrative indépendante permettra aussi de résoudre ce problème de l'éthique, primordial dans le mouvement sportif.