Je souhaite à mon tour revenir sur l'instrumentalisation par les acteurs locaux de la coopération internationale. En effet, ces derniers jouent leur propre partition. Par exemple, le Tchad se retrouve dans une situation de surengagement, qui pèse sur le repos des forces armées impliquées dans des opérations de maintien de la paix. Pour reprendre l'expression de Jean-François Bayart, il s'agit de « stratégies d'extraversion », où des pays se placent dans des situations de dépendance stratégique, pour en tirer profit pour leurs propres intérêts et pour pérenniser leurs propres régimes. Les opérations internationales conduisent donc parfois à la consolidation de l'autoritarisme, en Afrique ou ailleurs.
Ensuite, les mutations que connaît l'Afrique entraînent des débats sur les opérations de maintien de la paix onusiennes, dont la plupart ont lieu sur le continent. Ce débat oppose des partisans de l'africanisation et ceux de l'appropriation. L'africanisation consiste ainsi à impliquer davantage les contingents africains dans les opérations de maintien de la paix financées par les Nations unies, qui remboursent en priorité les États pauvres. De leur côté, les partisans de l'appropriation veulent non seulement des contingents africains, mais également un contrôle africain du déroulé des opérations. Il y a donc là un enjeu de leadership et il n'est pas fortuit que les trois pays les plus favorables à cette appropriation soient l'Afrique du Sud, le Nigéria et l'Algérie.