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Intervention de Abdennour Benantar

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Abdennour Benantar, professeur à l'Université Paris 8 :

Face au terrorisme, les différents acteurs, démocratiques ou non, agissent plus ou moins de la même manière. Ainsi, le fait de brandir la menace terroriste fait généralement peur à tout le monde, compte tenu des risques encourus à la fois pour les citoyens, mais aussi pour les États. En relations internationales, on parle ainsi du concept de sécuritisation, c'est-à-dire le processus performatif à travers lequel un phénomène ou une question ne relevant pas de la sécurité devient de facto une question de sécurité. À titre d'illustration, c'est par ce biais que la question de l'Azawad au nord du Mali est devenue un problème terroriste. Mais ce type de problème ne se règle pas par la voie militaire.

Quoi qu'il arrive, ce prisme terroriste conduit à l'urgence sécuritaire, qui confronte les États du nord comme du sud à leurs propres échecs. Au lieu d'agir en amont, ils attendent, pour réagir en aval. En cela, la militarisation de la lutte antiterroriste est en soi un échec politique, puisque cela signifie que l'on n'a pas réussi à traiter le problème à sa source. En cas d'urgence perçue comme sécuritaire, les fonds se libèrent beaucoup plus facilement. Ainsi, la France a mobilisé la communauté dite internationale pour lever des fonds en faveur de la force G5 Sahel, mais aucune initiative de la même ampleur n'est intervenue sur les aspects économiques. En résumé, l'urgence sécuritaire « force » toute la politique, même avec les meilleures intentions.

L'exemple du Sahel montre que d'une part, on n'agit pas, mais que l'on ne fait que réagir et que d'autre part, lorsque l'on réagit, on réagit souvent mal, provoquant des effets d'inflation. Un certain nombre de travaux ont ainsi montré que les pays sahéliens n'avaient pas les capacités d'absorber toute l'aide qu'ils recevaient : la bureaucratisation de l'aide pose des problèmes sécuritaires. Un travail universitaire mentionnait que les militaires sahéliens étaient tellement sollicités pour assister à des réunions à l'étranger qu'ils en venaient à passer plus de temps dans des salons que sur le terrain, pour combattre le terrorisme.

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