Au début de l'opération Barkhane, le diplomate français Laurent Bigot s'était interrogé sur le nombre de diplomates français présents au Sahel face au nombre de militaires déployés. De fait, il y a eu pratiquement un débranchement de la diplomatie au profit d'une approche sécuritaire très marquée. Nous disposons de très bons analystes au sein de nos ministères, mais il faut sans cesse nous donner les moyens que ces analyses soient effectivement produites. Au-delà des interventions militaires, il faut muscler notre capacité politique d'analyse, pour cerner l'impact de nos actions et sa perception par nos partenaires.
Au Sahel, nous pensons combattre le terrorisme international, mais les études dont nous disposons sur la zone montrent que la situation est en réalité bien plus complexe. Les ressorts sont parfois très locaux : dans certaines zones, il existe des règlements de compte entre communautés, voire au sein des communautés elles-mêmes, entre des couches anciennement serviles et leurs anciens maîtres. Or je ne suis pas certain que le rôle de la France consiste à venir appuyer le Mali pour régler des problèmes de cette nature. Quand nous envisageons d'intervenir militairement quelque part, nous devons être en mesure de connaître les tenants et les aboutissants véritables, au risque de nous faire instrumentaliser.
Par ailleurs, les politiques d'aide et de développement sont certes nécessaires, mais il ne s'agit pas d'une solution miracle qui permettrait de tout changer. Le développement est un terme général qui recouvre diverses actions. Certaines sont efficaces, à l'instar des formations, mais d'autres fonctionnent très mal. Dans certains cas, les flux d'argent liés au développement ont alimenté les problèmes. De fait, il faut comprendre l'aide publique au développement de manière politique : il s'agit d'un des aspects de la politique étrangère française, comme de celle de nombreux partenaires africains, de pays du Golfe, des pays asiatiques, de pays européens et de certains pays latino-américains. Par ailleurs, dans les pays où la situation sécuritaire n'est pas stabilisée, il est très difficile de déployer des projets de développement. À titre d'exemple, que signifie aujourd'hui mener des politiques de développement au Burkina Faso ou au Mali ?