J'ai l'impression d'avoir entendu qu'il serait totalement anormal d'envisager autre chose que, d'un côté, le délit ou l'homicide involontaire et, de l'autre, l'homicide volontaire. C'est une présentation manichéenne qui ne correspond à aucune réalité. Le dire maintenant m'évitera de devoir le refaire par la suite.
Dans le délit routier que nous souhaitons mettre en place, la consommation d'alcool ou de stupéfiants n'est pas une circonstance aggravante, mais un élément constitutif de l'infraction. Je m'adresse à vous parce que je sais que vous avez évoqué cette question en commission, monsieur Léaument : on se retrouve face à un acte à la fois involontaire, puisque sa finalité n'est pas de tuer, et volontaire quant à une partie des éléments constitutifs de l'infraction. Dès lors, rien n'interdit d'appréhender cette réalité avec un texte nouveau. Si par inadvertance je fais tomber de mon balcon un pot de fleurs qui tue un passant, il s'agit d'un homicide involontaire. Si j'envisage la mort de quelqu'un et que je fais tout pour qu'elle advienne, il s'agit d'un homicide volontaire, avec éventuellement des circonstances aggravantes.
Ici, la prise d'alcool étant volontaire mais n'étant pas une circonstance aggravante puisqu'elle est un élément constitutif du délit, on est bien face à un acte que je qualifierai de mixte. Il est involontaire quant aux finalités, mais totalement volontaire quant au comportement d'une personne qui, en toute connaissance de cause, boit ou se drogue avant de prendre sa voiture.
Monsieur Iordanoff, vous nous avez fait un long cours de droit que j'ai écouté de bonne grâce, mais qui est à côté de la plaque. En effet, on ne bouge pas les grands équilibres. Si l'on modifiait la répartition des infractions entre contraventions, délits et crimes, vous pourriez dire qu'on touche aux fondements du code pénal, mais ce n'est pas le cas. Rien n'interdit de préciser ce que seront les infractions d'homicide routier ou de blessures routières. Ce n'est pas plus compliqué que cela et, d'un point de vue juridique, ce n'est pas hérétique.
Ensuite, il y a tout ce qui motive les uns et les autres, notamment la prise en compte du chagrin des victimes. La situation actuelle encourage les auteurs à dire qu'ils n'ont pas fait exprès, que leur action n'était pas volontaire, que ce n'est pas de leur faute. Cela ne sera plus possible.