La proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière appelle de notre part de nombreuses réserves. Je vais vous les exposer, mais, au préalable, je veux avoir une pensée pour toutes les personnes qui ont perdu un proche dans un accident de la route. Aucune loi, aucun politique ne pourra les ramener à la vie. Nous avons tous autour de nous quelqu'un qui a perdu un proche dans de telles circonstances.
En premier lieu, cette proposition de loi est purement symbolique. Annoncée par Gérald Darmanin à la suite de l'affaire dite Palmade, la création de l'homicide routier apparaît avant tout comme un coup de com' visant à répondre à un fait divers. Les associations le disent : profondément insuffisante, cette proposition n'est que simple affichage.
En effet, que fait-elle ? Elle renomme « homicide routier » le délit d'homicide involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur. Cette modification essentiellement sémantique risque de n'avoir aucune utilité dans la lutte contre la violence routière.
Le texte ne comporte pas un mot sur la prévention ou sur la lutte contre l'addiction à l'alcool. Pourtant, la consommation d'alcool est responsable de 30 % des accidents de la route et des drames qui en découlent. Vous auriez pu faire preuve de courage et affronter les lobbys de l'alcool plutôt que de mal nommer les choses, ce qui, pour citer Camus, ne fait qu'ajouter au malheur de ce monde.
Plutôt que de changer la qualification pénale de ces homicides, nous devrions œuvrer, en amont, à les limiter.
L'addiction à l'alcool est un fléau en France. Elle cause plus de 49 000 décès par an et constitue la deuxième cause de mortalité, après le tabac. À l'échelle journalière, la consommation d'alcool est responsable de plus de 130 morts en France. Chez moi, à La Réunion, plus d'un décès sur six est lié à l'alcool ; cela représente environ 500 décès chaque année.
Au-delà des risques de mortalité, la consommation d'alcool est également un vecteur d'aggravation de problèmes comme les violences familiales, les accidents de la route ou, de manière générale, les comportements violents. Elle soulève de nombreux enjeux sociaux et de santé publique. Si l'on veut sauver des vies, il est urgent que le législateur s'empare de la question.
Dernière réserve : cette proposition de loi risque de provoquer une forte inflation juridique, alors même que les tribunaux français sont déjà saturés.
Depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, l'inflation législative ne connaît pas de limite. Vous légiférez sur tout, pour rien – en particulier quand un fait divers fait la une des journaux. Nous pensons au contraire qu'il faut prendre le temps de la réflexion afin de s'assurer qu'une nouvelle loi servira véritablement l'intérêt de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s'abstiendra lors du vote sur la proposition de loi. Ayez le courage d'affronter les vrais problèmes, en l'occurrence celui de l'alcool, cause de tant de décès sur la route.