La proposition de loi ne modifie pas les peines principales applicables à ce délit d'homicide involontaire, soit de cinq à dix ans selon qu'il y a ou non circonstance aggravante.
Je ferai à ce stade quatre observations.
Premièrement, l'objectif est in fine que les conduites les plus dangereuses soient plus sévèrement punies par les magistrats, en espérant que le nouveau régime d'infractions créé, qui va se différencier désormais du régime actuel qui place les homicides et blessures involontaires dans le seul champ accidentel, ne laisse pas les magistrats indifférents, comme l'indique l'exposé des motifs. La proposition de loi soulève donc la question de savoir si un changement de qualification est susceptible d'avoir un effet sur les comportements, ainsi que sur la reconnaissance d'une responsabilité plus forte des auteurs… Rien n'est assuré de ce point de vue.
Deuxièmement, il y a d'autres situations où les blessures graves et les morts légalement involontaires ont été facilitées et ont eu des effets plus graves du seul fait de la présence de circonstances aggravantes. Je pense à la consommation d'alcool ou à la prise de stupéfiants, toutes deux favorables à la commission de faits délictueux, rendant donc ceux-ci plus fréquents et pouvant aussi aboutir à des effets plus graves pour les victimes, car les règles élémentaires de sécurité auront été omises. Mais ces infractions non routières resteront qualifiées d'involontaires, avec ce que cela comporte comme frustration pour les victimes et pour leurs proches. Et si l'on crée une surqualification pénale pour certains délits – en l'espèce, pour les homicides et blessures routiers –, il faudrait logiquement qu'on s'en préoccupe également dans les autres domaines. La prise en compte des déterminants du passage à l'acte tels que la modification, à l'origine volontaire, de l'état de conscience et, par exemple, les imprudences caractérisées quant à l'utilisation de l'instrument présentant une forme de dangerosité devraient logiquement aussi conduire à prévoir de nouvelles dispositions pénales.
Troisièmement, la prévention est la grande absente de cette proposition de loi. Une très récente étude parue dans la revue Santé Publique en janvier 2024 met en avant des évolutions de consommation d'alcool, caractérisées par un phénomène d'alcoolisation ponctuelle importante et par des différences entre régions.