Intervention de Aude Luquet

Séance en hémicycle du mardi 30 janvier 2024 à 21h30
Création d'un homicide routier et lutte contre la violence routière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet :

Plus de 3 200 personnes perdent la vie chaque année sur nos routes, 237 000 sont blessées, dont plus de 16 000 gravement. Derrière ces terribles chiffres, il y a des destins et des familles brisés à jamais par la faute d'un autre. Le ou la responsable, c'est bien cet homme ou cette femme qui a délibérément pris le volant alors qu'il ou elle n'aurait pas dû. C'est bien cet homme, cette femme, qui a choisi en conscience de ne pas respecter les règles du code de la route. Alcool, stupéfiants et vitesse sont les trois principales causes mises en avant dans les accidents mortels de la route ; c'est bien ce triptyque qui forme un cocktail mortel, un triptyque contre lequel nous devons redoubler d'efforts en faisant preuve d'une volonté sans faille.

S'agissant de la prévention tout d'abord, notre volonté doit être sans faille, car lorsqu'on parle de sanctions, c'est qu'il est déjà trop tard. Agir en amont est la principale des protections pour mettre fin aux comportements à risque. Nous devons continuer de renforcer encore et toujours l'éducation routière dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.

S'agissant de la réponse pénale ensuite, notre volonté doit aussi être sans faille, car lorsque la sensibilisation ne suffit pas, il faut alors frapper fort en termes de sanction. Les familles sont en droit d'attendre que celle-ci soit ferme et dissuasive. Arrêtons-nous sur les chiffres de la justice. Plus de huit personnes sur dix reconnues coupables de blessures involontaires au volant suite à la prise d'alcool ou de stupéfiants ont été condamnées en 2021 à une peine principale d'emprisonnement ; en cas d'homicide involontaire, le taux a atteint 100 %, avec une peine de vingt-deux mois de prison ferme en moyenne – mais une peine effective pour seulement 64 % d'entre elles. En tant que législateur, nous devons être incités par ce constat à nous interroger sur la pertinence de vouloir augmenter sans cesse les maxima de peine qui ne sont déjà que très rarement prononcés. Face au fléau que sont les chauffards, le groupe Démocrate attend, au même titre que les familles, une fermeté supplémentaire des tribunaux, non seulement sur les peines de prison, mais aussi sur les peines complémentaires, comme l'a indiqué le garde des sceaux dans une récente circulaire.

Pour ce qui est du fond de cette proposition de loi, après avoir salué le travail qu'elle représente ainsi que son caractère transpartisan, je veux souligner que la substitution du terme « homicide routier » au terme « homicide involontaire » pour qualifier ce type d'acte commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas seulement symbolique : c'est aussi une manière de faire prendre conscience des risques à tous les conducteurs. Comme je l'ai dit au début de mon propos, il s'agit bien d'un comportement volontaire, adopté en toute connaissance de cause, qui est à l'origine directe de ces drames de la route. Le changement sémantique proposé souligne cet aspect en insistant sur les circonstances aggravantes.

Mais au-delà de ce changement sémantique, les victimes et leurs proches attendent surtout d'être mieux considérés, entendus et accompagnés. En commission, des modifications au texte initial ont permis d'ajouter d'autres circonstances aggravantes et d'autres peines complémentaires afin de renforcer notre arsenal juridique. Nous saluons ainsi l'adoption de l'amendement de notre collègue Élodie Jacquier-Laforge qui corrige un vide juridique en rendant obligatoire un examen médical pour évaluer l'aptitude à la conduite de l'automobiliste impliqué dans un accident de la route.

Au cours des débats qui vont suivre, nous défendrons une série d'amendements pour corriger quelques ajouts en commission qui nous paraissent insatisfaisants : je pense tout particulièrement au fait qu'en l'état actuel du texte, un conducteur coupable d'un refus d'obtempérer ayant entraîné des blessures involontaires s'exposerait à une peine inférieure à celle encourue par un conducteur qui n'aurait fait courir qu'un risque de blessure à autrui. Nous défendrons aussi plusieurs amendements visant à améliorer le dispositif de saisie et d'immobilisation du véhicule ayant servi à l'infraction.

Pour conclure, je confirme que le groupe Démocrate votera cette proposition de loi pour les familles, pour les victimes.

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