Intervention de Jérôme Guedj

Séance en hémicycle du mardi 30 janvier 2024 à 9h00
Questions orales sans débat — Centres de données en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Guedj :

Je souhaite vous interroger sur la régulation de l'installation des centres de données en France et le décalage entre cette intention, louable, et les conséquences de ces installations.

Dans ma circonscription, à Wissous dans l'Essonne, la société américaine Cyrus One a développé depuis plusieurs années un projet de centre de données pour le compte d'Amazon. D'une superficie totale de 53 000 mètres carrés, il devrait à terme avoir besoin d'environ 100 mégawatts (MW), soit une consommation électrique équivalente à huit fois celle d'une commune de la taille de Wissous.

Le découpage du projet en plusieurs phases a permis l'installation du centre de données, au mépris de l'esprit – et peut-être de la lettre – du code de l'environnement et du plan local d'urbanisme (PLU) en vigueur. En effet, chacune des trois phases étant inférieure à 50 MW, elles ne sont soumises qu'au régime de l'enregistrement des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), alors qu'au vu de sa puissance globale, le projet aurait dû être soumis au régime d'autorisation des ICPE.

Les conséquences écologiques pour le territoire qui accueille ce centre de données sont préoccupantes : la chaleur fatale sera rejetée dans la nature, créant de facto un îlot de chaleur, local et artificiel. Or cette chaleur pourrait être recyclée : ainsi, le centre de données d'Equinix à Saint-Denis valorise sa chaleur fatale en chauffant une piscine, des commerces et des logements. L'étude d'impact de celui de Wissous ne prévoit aucun dispositif de ce type et rejettera donc simplement sa chaleur dans l'environnement, ce qui aura en outre des conséquences pour la biodiversité.

Par ailleurs, les groupes électrogènes de secours, prévus pour remédier aux coupures électriques ou aux temps d'indisponibilité, nécessitent un stockage enterré de 400 mètres cubes de fuel ; le test de leur bon fonctionnement devrait, à lui seul, consommer plus d'une centaine de tonnes de fuel par an.

Un mouvement local d'opposition au projet s'est structuré à Wissous. Cet exemple, dans ma circonscription, m'amène à m'interroger sur l'application de la loi. L'article 28 de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France a, théoriquement, introduit une obligation de valorisation de la chaleur fatale : « Le centre de stockage de données numériques valorise la chaleur fatale (…) ou respecte un indicateur chiffré déterminé par décret sur un horizon pluriannuel en matière d'efficacité dans l'utilisation de la puissance. »

Or, à ce jour, le décret n'a pas été publié, ce qui vide la disposition de sa force normative et entretient un vide juridique dont jouent les maîtres d'œuvre et les entreprises privées. Dans quel délai ce décret sera-t-il publié ? Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de régulation de l'installation des centres de données ? Ces derniers doivent impérativement prendre en compte les exigences environnementales légales dans l'aménagement de leurs projets.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion