Au moment de vous présenter cette proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, je pense à Anne-Laure, 28 ans, à Antoine, 24 ans, à Chloé et Iris, 21 ans, à Noé, 16 ans, tués sur la route, ainsi qu'à leurs parents. Je pense aussi à Julie et à Gabrielle, gravement blessées dans ces mêmes accidents.
Comme eux, ce sont chaque année 3 500 personnes qui meurent sur nos routes, 3 500 destins qui se brisent, parfois en raison de leur propre imprudence, mais bien souvent à cause de l'imprudence d'autrui ; ce sont 240 000 blessés, dont 16 000 grièvement. Le nombre de personnes touchées est encore plus important, car un accident mortel peut décimer une famille, anéantir des amis, des collègues. Un accident grave peut briser une vie quand on doit la passer en fauteuil pour le reste de ses jours. Trop de familles se retrouvent meurtries dans leur chair, confrontées à la violence et à l'injustice d'une perte aussi brutale qu'inattendue.
II nous semble qu'il est temps aujourd'hui d'agir pour ces victimes, pour ces familles. C'est pour elles que nous devons tout faire pour que diminue la mortalité sur nos routes. C'est pour elles que nous présentons ce texte.
Car, si les chiffres sont monstrueux et le bilan dramatique, ils le sont encore plus lorsqu'on se penche sur les circonstances de ces accidents. Dans 92 % des accidents mortels, les comportements des conducteurs sont à l'origine du drame. Relevée dans un accident mortel sur trois, la vitesse excessive ou inadaptée est le premier facteur d'accident. La conduite en état d'ivresse est la deuxième cause de mortalité sur les routes. La consommation de stupéfiants, la troisième. Dans l'accident qui a coûté la vie à Anne-Laure, le chauffard cumulait toutes les circonstances aggravantes : feux rouges grillés, consommation d'alcool et de stupéfiants, délit de fuite, conduite sans permis, excès de vitesse de 50 km/h à plus de 100 km/h en plein cœur de Lyon. Pourtant, lors du procès, les faits ont été qualifiés d'homicide involontaire.
Si le terme « involontaire » ne pose pas de difficulté en matière d'application pénale, vous voyez bien qu'il ne rend pas compte de la réalité de la situation. Il heurte, depuis des années, des familles de victimes confrontées à une douleur que vient renforcer l'absence de précision de ce terme juridique. Reprenant un combat de longue date des associations de victimes, que je tiens à saluer, et en nous inscrivant dans la continuité des annonces faites l'été dernier par le Gouvernement et le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), nous vous proposons donc de faire évoluer ce terme.
L'idée est, somme toute, simple et de bon sens : sans circonstance aggravante, ces infractions demeureront qualifiées d'homicide involontaire et d'atteinte involontaires ; avec une ou plusieurs circonstances aggravantes, ces infractions seront qualifiées d'homicide routier et de blessures routières.
Notre proposition de loi est centrée sur la création de l'homicide routier et des blessures routières mais elle contient d'autres mesures qui concernent la prévention – en amont de l'accident –, les circonstances de l'accident et les sanctions qui lui font suite ; mon corapporteur, Éric Pauget, vous les détaillera.
Permettez-moi de le remercier pour le travail commun que nous avons accompli depuis plusieurs mois, ainsi que notre administratrice et nos collaborateurs pour leur investissement sur ce texte, et nos collègues cosignataires qui mènent ce combat transpartisan avec nous.
Ainsi, mes chers collègues, voici la proposition de loi qui crée enfin l'homicide routier. Ce sujet est grave ; il nous engage et nous oblige. Pour les victimes et leurs proches, ayons un débat sobre et digne, et que cette proposition de loi fasse l'objet d'un consensus large car, quelles que soient nos orientations politiques, la sécurité routière est une priorité pour tous. Sur ces sujets, notre parole doit être sans ambiguïté, et notre réponse doit être ferme et adaptée. C'est ce que nous vous proposons aujourd'hui.