Certes, le droit à l'IVG aurait pu être consacré plus fortement encore si nous avions été plus ambitieux. Nous aurions préféré la consécration d'un droit plutôt que celle d'une liberté, afin de garantir un véritable droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse, sans qu'il soit nécessairement rattaché à la liberté personnelle. Nous n'aurions pas introduit l'IVG à l'article 34 mais nous aurions plutôt consacré ce droit de façon autonome, en l'inscrivant à l'article 1er , qui constitue pour nous l'écrin des droits. Nous aurions également souhaité que la notion de contraception y figure.
Toutefois, nous savons que les victoires féministes ont toujours été le fruit de compromis, dès lors que l'essentiel est obtenu. Sans ces compromis, qui refusent la compromission, Simone Veil ne serait pas parvenue à faire adopter la loi sur l'avortement. Cinquante ans plus tard, nous continuons à suivre cette ligne constructive pour faire primer l'intérêt des femmes.
Néanmoins, monsieur le ministre, nous tenons à insister sur deux points, à commencer par la notion indispensable de « garantie ». En effet, de l'avis des constitutionnalistes que nous avons auditionnés, l'absence du mot « garantie » créerait une incertitude quant à la volonté du constituant : s'agirait-il de simplement rappeler le droit existant ou pire, de donner au législateur une plus grande marge d'appréciation, dont il pourrait se servir pour faire progresser ou reculer cette liberté ?
Deuxièmement, l'emploi du terme « femme » ne doit pas être interprétée comme excluant les personnes transgenres, par exemple. Le Conseil d'État le rappelle au point 15 de l'avis qu'il a rendu en décembre 2023 : « Il résulte de l'objet même de cette liberté […] qu'elle doit être entendue comme bénéficiant à toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l'état civil, l'âge, la nationalité […] ». Nous y tenons.
C'est dans cet esprit que nous présenterons l'amendement n° 68 afin de reprendre la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée le 20 octobre 2022 par Cécile Untermaier et le groupe Socialistes et apparentés. Il tend à inscrire à l'article 1
La mention de l'effectivité et de l'égal accès au droit à l'avortement nous semble en effet plus pertinente, notamment lorsqu'on sait que l'actuelle ministre de la santé avait, en 2017, saisi le Conseil constitutionnel contre la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.