Je salue les fonctionnaires ukrainiens présents avec nous.
C'est un plaisir et un honneur de vous présenter les principaux sujets traités lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre. Nous y avions placé beaucoup d'attente, et je crois pouvoir affirmer que l'UE a été au rendez-vous.
Les sujets prioritaires étaient le soutien à l'Ukraine et l'élargissement de l'UE, la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), le conflit en cours au Proche-Orient et les questions de sécurité et de défense européennes. Par ailleurs, les chefs d'État et de gouvernement ont eu une discussion stratégique sur les migrations, ainsi que des échanges sur le suivi de la COP28 et sur la lutte contre les discours de haine.
Des décisions d'importance ont été prises en matière d'élargissement. Les États membres ont été fondamentalement alignés. Ils ont décidé d'ouvrir des négociations d'adhésion à l'Ukraine et à la Moldavie. La Hongrie a fait le choix de ne pas participer à la décision relative à l'Ukraine, préservant ainsi l'unité des Européens.
La décision d'ouvrir ces négociations d'adhésion est un message politique fort envoyé à Moscou. Elle représente notre vision géostratégique de l'élargissement de l'UE et s'inscrit dans la lignée de ce que le Président de la République a rappelé fin mai à Bratislava, dans son discours au Forum GLOBSEC.
C'est aussi un message d'espoir attendu par les autorités et par le peuple ukrainiens, qui continuent à lutter quotidiennement contre la guerre d'agression russe, et la réaffirmation du soutien sans faille de l'UE à l'Ukraine depuis le début de la guerre, dans tous les domaines et dans la durée. Plusieurs messages ont été adressés par le Conseil européen à l'Ukraine, au sujet des besoins militaires, des engagements européens de sécurité et des travaux en cours concernant les avoirs gelés. Ces engagements s'inscrivent en complément de ceux évoqués par les États membres dans leurs discussions bilatérales avec l'Ukraine.
Le Conseil européen a aussi décidé d'octroyer le statut de pays candidat à la Géorgie, sous réserve qu'elle engage les réformes nécessaires en matière d'État de droit. Nous avons également envoyé un signal clair à la Bosnie-Herzégovine, avec laquelle les négociations d'adhésion seront ouvertes lorsque les réformes nécessaires auront été mises en œuvre.
Par ailleurs, il a toujours été entendu qu'une réforme de l'UE devrait accompagner l'élargissement. Il s'agit d'adapter nos politiques communes en revoyant leurs priorités et leurs financements, et d'assurer le fonctionnement efficace des institutions européennes. Aussi le Conseil européen a-t-il demandé à la présidence belge de travailler à l'adoption d'une feuille de route de la réforme de l'UE d'ici à l'été 2024.
L'équilibre entre élargissement et réforme trouvé à Grenade informera la préparation de l'agenda stratégique pour 2024-2029. Le Conseil européen s'est mis d'accord pour l'adopter d'ici l'été prochain. Il s'inscrit dans la lignée des décisions prises depuis 2019 : le plan de relance européen, la mutualisation des achats de vaccins, le financement par l'UE d'armes pour soutenir l'Ukraine et la nécessité pour l'Europe de renforcer sa souveraineté. L'objectif est de poursuivre et d'amplifier ces priorités dans les cinq prochaines années.
Ces objectifs politiques sont certes ambitieux, mais ils sont partagés. Ils seront le ciment de l'unité des Européens au moment où nous devons absolument nous renforcer.
À cet égard, permettez-moi, monsieur le président, madame la députée Laernoes, de saluer votre proposition de résolution relative aux suites de la conférence sur l'avenir de l'Europe, définitivement adoptée par la représentation nationale le mois dernier. Vous avez effectué un travail très riche et formulé de nombreuses propositions, notamment sur l'élargissement et les grandes réformes institutionnelles. Ces travaux enrichissent la réflexion au niveau européen. Nous convergeons sur les objectifs : bâtir une Europe plus souveraine, plus agile et plus proche des citoyens.
J'en viens à la révision du CFP. Le travail technique a accéléré au cours des dernières semaines. Le président du Conseil européen a présenté de nouvelles propositions budgétaires jusqu'à la veille du Conseil européen. Les négociations sont difficiles, parce que nous cherchons à trouver le bon équilibre entre la nécessité de limiter la facture pour les États membres et celle d'assurer la pérennité du financement des priorités essentielles que sont le soutien à l'Ukraine, la souveraineté technologique et la gestion efficace et équilibrée des migrations.
Sur tous ces sujets, les positions des États membres se sont rapprochées. Ils approuvent désormais la nécessité de la révision du CFP et de ses composantes. Nous sommes proches d'un accord, ce qui explique la convocation d'un Conseil européen extraordinaire le 1er février pour finaliser cette révision. Je suis persuadée que nous pouvons faire mieux qu'en juillet 2020, lorsque le Conseil avait duré quatre jours avant d'aboutir à une conclusion, mais nous le ferons si nécessaire.
S'agissant du renforcement de notre souveraineté en matière de défense, donner à l'UE une ambition géopolitique suppose de nourrir une ambition économique, donc de consentir un effort industriel pour renforcer nos capacités de production et notre maîtrise des technologies de défense, ainsi que pour assurer la résilience des chaînes d'approvisionnement de nos armées.
Il s'agit aussi de poursuivre la construction de la profondeur stratégique dont l'Ukraine a besoin pour tenir dans la durée. À cette fin, le Conseil européen a appelé l'UE à se doter d'une stratégie pour l'industrie de défense, dans laquelle s'inscrira un instrument de long terme visant à favoriser les investissements et les acquisitions conjointes, le programme européen d'investissement dans le domaine de la défense (EDIP). La Commission présentera une stratégie de défense en février.
Par ailleurs, le Conseil européen a réaffirmé sa volonté d'aboutir rapidement sur le pacte sur la migration et l'asile. Un accord a été obtenu ce matin entre le Conseil et le Parlement européen – je salue les efforts de Fabienne Keller. C'est une grande avancée pour la France. Le Président de la République s'est battu en ce sens, pendant la présidence française de l'Union européenne (PFUE) et dans les derniers mois.
Cet accord démontre la capacité des Européens à trouver des solutions qui préservent nos valeurs communes et les intérêts de chacun. Il permettra de préserver l'une des plus grandes réussites de l'UE : la liberté de circulation des citoyens européens en son sein.
Cet accord nous dote d'une nouvelle politique d'asile et de migration à la fois plus juste et plus humaine, renforçant nos frontières extérieures pour mieux maîtriser les flux d'immigration et protéger nos citoyens. Il comporte un important volet de solidarité entre les États membres, afin de partager équitablement l'effort, ainsi qu'une exigence de dignité dans l'accueil des demandeurs d'asile, notamment les mineurs.
Les demandes d'asile seront traitées plus efficacement et le retour des personnes non éligibles à l'asile sera facilité. En somme, responsabilité, humanité et solidarité caractérisent cet accord. Nous continuerons à travailler au renforcement de nos liens avec les pays tiers. Les chefs d'État et de gouvernement ont rappelé que cette coopération se veut mutuellement bénéfique, tenant compte des intérêts de chaque partie, dans le plein respect de nos obligations, internationales et européennes.
Sur le Proche-Orient, les positions des États membres varient, mais les objectifs sont clairs : la sécurité d'Israël, la paix et la sécurité de la région, la résolution de la crise humanitaire à Gaza et la défense du droit international humanitaire. La France a rappelé la priorité accordée à la libération inconditionnelle des otages détenus par le Hamas. Nous mettrons tout en œuvre pour les faire libérer. Je réitère nos condoléances à la famille d'Elia Toledano, otage décédée vendredi dernier.
Sur le plan humanitaire, la convergence des États membres s'est accrue, notamment en faveur d'une trêve devant mener à un cessez-le-feu. Les chefs d'État et de gouvernement ont convenu de poursuivre et de renforcer la coordination des initiatives humanitaires.
Sur le plan sécuritaire, le Président de la République a proposé une coordination renforcée des dispositifs de sécurité maritime dans le détroit d'Ormuz et en mer Rouge. L'UE, et certains États membres en sus, y assure une présence dans le cadre des opérations Atalante et Agénor. Elle peut jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme et les actions déstabilisatrices affectant la région.
Sous l'angle politique, la volonté partagée par tous d'avancer vers la solution à deux États a été réaffirmée. La ministre Catherine Colonna s'est rendue en Israël et dans les territoires palestiniens dimanche 17 décembre, où elle a rappelé ces grands principes, puis à Beyrouth le lendemain, où elle a rappelé la nécessité d'éviter un embrasement régional et appelé à mettre fin à la vacance présidentielle. Le Président de la République se rendra prochainement dans la région pour être aux côtés de nos forces qui y sont déployées depuis plusieurs années.
J'ai une pensée pour l'agent du consulat général de France, mort de la suite de ses blessures après un bombardement israélien à Rafah. La France a condamné ce bombardement et exigé des autorités israéliennes qu'elles fassent toute la lumière à ce sujet.
S'agissant de la COP28, nous pouvons nous féliciter de l'obtention d'un compromis forgé par l'Europe visant à assurer une transition juste, équitable et ordonnée permettant de contenir le réchauffement à 1,5 degré. La COP28 a permis d'adopter des objectifs, notamment le triplement de la production d'énergie renouvelable (EnR) d'ici 2030, et d'enclencher un mouvement global de transition hors des énergies fossiles, ce qui est historique. L'UE s'est distinguée par sa volonté de porter un programme ambitieux, et par son engagement auprès des pays les plus vulnérables au changement climatique pour trouver des solutions d'atténuation, d'adaptation et de financement.