Dans les quartiers populaires des grandes agglomérations comme dans les centres bourgs des zones rurales, les immeubles se détériorent, partout dans les territoires. Les copropriétaires sont souvent exposés aux mêmes problèmes : difficultés de gestion, impayés de charges cumulés, travaux reportés. Dès lors que le logement est au fondement du progrès social, cette concentration de dysfonctionnements a des conséquences très concrètes : logements vétustes et indignes ; immeubles tombant en décrépitude, voire s'effondrant ; quartiers dont l'attractivité diminue : ceux qui le peuvent quittent ces immeubles où ne restent que les plus précaires, enfermés dans des logements devenus dangereux et dans une spirale de paupérisation. Dans la France de 2024, de telles situations sont inacceptables.
Les pouvoirs publics peuvent agir, mais bien souvent trop tard, lorsque l'état de l'immeuble est tel qu'il faudra le rénover intégralement, ou le rebâtir. Ce projet de loi permettra aux collectivités et aux opérateurs d'intervenir aussi tôt que possible, afin d'éviter des drames humains et sociaux. Plusieurs mesures en effet vont dans le bon sens, comme la nouvelle procédure d'expropriation des immeubles dégradés ; le renforcement du droit de préemption urbain, conformément à la demande des élus ; et la scission des grands ensembles en plusieurs syndicats, pour faciliter la tâche des opérateurs, en permettant d'isoler les immeubles les plus en difficulté de ceux susceptibles de faire l'objet de mesures de redressement.
En revanche, d'autres dispositions gagneraient à être retravaillées. Le texte risque de rendre compliquées les opérations de restauration immobilière. Nous craignons qu'il ne facilite pas nettement la rénovation des passoires énergétiques, et que les copropriétés volontaires peinent à accéder au cautionnement nécessaire pour souscrire un emprunt collectif, susceptible par ailleurs de mettre en difficulté économique les ménages en grande précarité – le mécanisme est perfectible, il faut en particulier renforcer l'accompagnement public.
Le texte présente également des lacunes : il ne prévoit ni mesure coercitive à l'égard des marchands de sommeil, ni repérage et accompagnement des copropriétés en difficulté. Les nouvelles informations devant figurer au registre national d'immatriculation sont insuffisantes. Comme à chaque fois, le Gouvernement n'a rien dit de l'accompagnement humain et financier, alors que la lutte effective contre l'habitat indigne pèse sur les budgets.
Enfin, si le problème est plus sensible en milieu urbain, les zones rurales ne sont pas épargnées : les cœurs de bourgs des territoires difficiles notamment sont eux aussi gangrenés par les marchands de sommeil : contre les biens sans maître, en déshérence, manifestement abandonnés les procédures sont complexes. À quand un texte pour y remédier ?