Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du jeudi 23 novembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Marie-George Buffet, coprésidente du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, ancienne ministre chargée de la jeunesse et des sports :

Depuis l'entrée en activité du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, le 29 mars, nous avons mené soixante-dix auditions et entendu cent-sept personnes – des acteurs du mouvement sportif, des lanceurs d'alerte, des représentants d'institutions de contrôle et des services de l'État. Ses travaux n'étant pas achevés, je parlerai ici en mon nom propre.

Il ne faut jamais oublier que les associations et les bénévoles assurent l'effectivité du droit à la pratique sportive, en partenariat avec l'État. Le mouvement sportif joue donc un rôle considérable, mais il est fragilisé, à cause du manque de politiques publiques ambitieuses, depuis des années, et parce que règnent une culture et un entre-soi qui l'empêchent de s'adapter pleinement aux exigences sociales, sociétales et éthiques de notre époque. Il aurait besoin d'un profond renouvellement. Selon moi, garantir sa vitalité démocratique est primordial : cela permettrait de renouveler les instances et de susciter un débat interne, étapes nécessaires pour aborder le combat éthique d'une façon nouvelle.

Pour y parvenir, il faudra certainement modifier les règles électorales des fédérations sportives, en allant vers une représentation proportionnelle, afin de favoriser le débat interne et d'avancer vers davantage de parité : plus il y aura de femmes dans les instances dirigeantes, plus nous serons armés pour mener le combat.

Parallèlement au renouveau démocratique, il faudra des outils pour mener le combat éthique. Il nous faut à la fois des outils internes au mouvement sportif, efficaces et aptes à le responsabiliser, et certainement aussi des interventions extérieures. Nous travaillons à de nombreuses propositions pour une architecture nouvelle des comités d'éthique, de leur pouvoir et de leur composition, qui garantissent la transparence de leur action.

Pour mener à bien cette mission, j'ai été particulièrement motivée par la remarque d'un des jeunes athlètes de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) que nous avons auditionnés, qui demandait à n'être parfois pas considéré comme un sportif, mais simplement comme un individu. Pour protéger les pratiquantes et les pratiquants, il faut modifier radicalement la formation des éducateurs et des entraîneurs, ainsi que les moyens de contrôle ; mais il faut aussi que les athlètes soient considérés comme des personnes à part entière, comme les jeunes gens et les jeunes filles qu'ils sont : ils ont droit au respect et ils ont le droit de s'exprimer, notamment sur leurs conditions de préparation et d'encadrement.

Vous m'interrogez sur une affaire qui remonte à vingt ans, mais où la culture et l'entre-soi que j'évoquais existaient déjà. Le mouvement #MeToo n'avait pas eu lieu. C'était une chape de plomb qui recouvrait les violences sexistes et sexuelles, dans la société tout entière. Dans le mouvement sportif, le non-dit était encore renforcé par le rapport au corps, l'exposition du corps dans l'espace public, la place du sport dans la construction physique et psychique des jeunes.

Le ministère a-t-il réagi comme il aurait dû ? Il serait scandaleux que je vous réponde que oui, bien sûr. Non. À l'époque, cette affaire n'a pas éveillé le soupçon qu'il ne s'agissait peut-être pas d'un cas singulier, mais un exemple de faits qui devaient se produire ailleurs, dans cette fédération et dans d'autres. Le ministère de l'époque a été capable d'organiser les assises nationales « Femmes et sport », d'élargir l'accès des femmes à la pratique sportive, d'améliorer la place des femmes dans les fédérations. En revanche, nous n'avons pas posé la question des conditions d'encadrement ou du respect des individus à l'intérieur du mouvement sportif. Nous avons soulevé le problème du dopage : je ne l'aurais sans doute pas dit ainsi à l'époque, mais aujourd'hui cela paraît plus facile, parce que nous avons des moyens de contrôle qui permettent d'affirmer qu'une personne est responsable, donc de prononcer des sanctions. Nous avons réussi à mener une campagne internationale dans ce domaine. Mais sur la question du respect de l'intégrité physique et psychique des sportifs, nous n'y sommes pas parvenus.

C'est vrai : à l'époque, nous ne nous sommes pas suffisamment emparés du drame qu'ont vécu Mme Abitbol, mais aussi d'autres, en commençant par Catherine Moyon de Baecque. Nous n'avons pas été au niveau pour nous saisir du dossier. Cela me paraît clair.

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