Mes chers collègues, nous accueillons pour cette ultime audition de notre commission d'enquête les deux coprésidents du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport. Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue et vous remercie d'être venus répondre à nos questions.
Madame la ministre Marie-George Buffet, vous avez en 1997 été élue députée puis nommée ministre de la jeunesse et des sports, fonction que vous avez occupée jusqu'en 2002.
Monsieur Stéphane Diagana, vous avez été athlète, spécialiste du 400 mètres haies, champion du monde d'athlétisme masculin lors des championnats de 1997 à Athènes. Vous avez mis fin à votre carrière sportive en 2004. Vous avez présidé la Ligue nationale d'athlétisme de 2007 à 2009.
Le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport a été installé en mars 2023 par la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Cette décision est directement liée aux affaires Laporte et Le Graët.
Le Comité est composé de douze personnalités qualifiées. D'ici à la fin de l'automne 2023, il doit formuler des propositions à même de renforcer l'éthique de la gouvernance dans le domaine du sport, d'améliorer la vitalité démocratique au sein des instances et d'affermir la protection des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violences et de discriminations.
Avant d'en venir aux travaux de ce comité, permettez-nous de revenir avec l'ancienne ministre chargée des sports que vous êtes, madame Buffet, sur l'affaire qui a constitué un tournant historique dans la lutte contre les violences sexuelles. Nous nous devons collectivement de comprendre pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps, jusqu'à la médiatisation de témoignages aussi accablants que celui de Sarah Abitbol en 2020, pour que les pouvoirs publics se décident à avancer sur ces sujets.
Mme Sarah Abitbol a déclaré devant nous : « J'avais signalé la situation au président de la section artistique de mon club, me rendant chez lui avec mon oncle afin de ne pas être seule pour parler de ces choses horribles. Malheureusement, je n'ai pas été entendue : c'était comme si j'évoquais une simple douleur au genou. Il m'a dit d'aller déposer plainte, et que nous en reparlerions ensuite. En un mot, il me remerciait gentiment, alors que je venais de dire ce qui m'était arrivé à l'âge de 15 ans et de demander qu'on éloigne du club cet entraîneur dangereux. J'ai également signalé les faits au ministère, où l'on m'a dit qu'il existait un dossier, mais qu'il valait mieux fermer les yeux. »
Puis : « Pour ce qui est du dossier, je n'ai su que plusieurs années plus tard ce qu'il en était. Marie-George Buffet avait éloigné Gilles Beyer de la fédération et l'avait suspendu pendant six mois. Il a ensuite été réintégré grâce à la Fédération française des sports de glace, s'occupant notamment des compétitions internationales junior. Je n'ai jamais pu avoir ce dossier dans les mains, mais je sais aujourd'hui, grâce à l'enquête menée par Emmanuelle Anizon, que tout y figure et que, désormais il peut au moins être lu. »
Nous avons demandé la transmission de ce dossier au ministère.
Pourquoi a-t-il fallu attendre la sortie du livre de Sarah Abitbol, Un si long silence, pour que Gilles Beyer soit suspendu du club des Français volants, puis exclu, en février 2020 ? Il nous semble important de revenir avec vous sur la chronologie des faits.
Début 2020, alors que vous êtes ministre de la jeunesse et des sports, votre cabinet est saisi par les parents d'une jeune patineuse du club d'Angers, qui dénoncent le comportement de Gilles Beyer à l'égard de leur fille lors d'un stage de l'été 1999 à La Roche-sur-Yon. Votre directeur de cabinet demande un premier rapport au directeur régional de la jeunesse et des sports d'Île-de-France. Ce dernier recommande de saisir l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, ce qui est fait : M. Beyer sera suspendu. En mai 2001, il est recruté comme chargé de mission auprès du président du club des Français volants, pour être entraîneur. Ni le club ni la Fédération française des sports de glace ne tiennent donc compte du rapport de l'Inspection. Vous exerciez alors la tutelle de la Fédération. Avez-vous été au courant, en mai 2001, de ce recrutement ? Comment avez-vous réagi ?
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.