La réponse à votre question, c'est la présomption d'innocence. C'est aussi simple que ça.
Quand Fabien Galthié a sélectionné Bastien Chalureau, tout le monde, bien sûr, était au courant de ce qui s'était passé : le rugby est un microcosme. C'était une affaire non pas interne, puisque les victimes ne jouaient pas au Stade toulousain, mais entre gens qui habitent au même endroit, venant de clubs voisins. Vous avez raison au sujet du Stade toulousain : il a bien fait de prendre la décision qu'il a prise à ce moment-là.
Mais imaginez qu'on ne sélectionne pas le joueur et que, finalement, il n'y ait rien. Ou alors il faut supprimer la présomption d'innocence !
J'étais comme vous quand Fabien a sélectionné Bastien Chalureau. À ce moment-là, j'étais en Nouvelle-Zélande, aux phases finales de la Coupe du monde féminine : je n'étais pas en France de tout le mois de novembre et je n'y ai pas vu de matchs. J'avais entendu parler du cas Chalureau, il faut dire les choses comme elles sont, mais pas dans les détails. Et en vertu de la présomption d'innocence, tant qu'il n'est pas condamné, tant qu'il n'est pas interdit de jouer pour l'équipe de France, c'est difficile pour un sélectionneur de décider de ne pas le prendre.
Quant à ce que nous avons mis en place – vous en avez déjà parlé avec Laurent Gabbanini, je crois –, nous sommes une fédération modèle : C3PR (cellule de prévention et de protection des populations du rugby), action de Laëtitia Pachoud, l'élue chargée des violences… Tout le monde nous le dit. Nous sommes la seule fédération à avoir instauré une commission antidiscriminations et égalité de traitement (Cadet).
Je l'ai créée parce que j'ai été confronté à un cas. Une fille transgenre est venue me voir et m'a dit qu'on lui interdisait de jouer au rugby. Et, en effet, World Rugby, dont j'étais membre, disait « interdiction de jouer pour les transgenres ». Ça m'a heurté : je ne comprenais pas pourquoi. Je me suis appuyé sur J.-B. Moles, docteur en sciences des sports à Montpellier ; il est lui-même transgenre, donc il connaît parfaitement le truc ; il m'a dit : « Bernard, c'est pas possible, on ne peut pas interdire. » J'étais démuni, j'ai dit : « Comment on fait ? » Je n'avais pas les compétences pour créer la Cadet. Il m'a dit ce qu'il fallait faire, je lui ai répondu qu'il fallait qu'il le fasse lui-même, car personne n'en était plus capable que lui au sein de la Fédération. Il a donc créé cette entité. Et maintenant, toutes les fédérations nous reprennent l'idée. On a donné l'autorisation de jouer à la personne dont je parlais. Au début, il y avait trois transgenres ; aujourd'hui, il y en a beaucoup plus. J'en suis fier, comme je suis fier du travail de J.-B. Moles. Le tournoi inclusif « Rugby is my Pride » organisé durant la Coupe du monde, réunissant des équipes qui viennent du monde entier, c'est nous qui l'avons lancé !
Bref, nous faisons le maximum pour lutter contre le racisme, l'homophobie, etc.