Il est temps de remédier à cette situation inique tant il est vrai que le crime ne saurait payer.
C'est pourquoi je soutiens l'initiative du député Hubert Ott et du groupe Démocrate qui crée un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux à l'égard de l'époux – ou de l'épouse – qui a commis une infraction grave vis-à-vis de son conjoint. C'est tout l'objet de l'article 1er de la proposition de loi.
Dans son état initial, cet article entendait permettre la révocation d'un avantage matrimonial sur le modèle du régime juridique de la révocation des donations entre vifs pour ingratitude. Je veux ici saluer le travail de coconstruction entre Mme la rapporteure et mon ministère qui a permis d'améliorer significativement sa rédaction.
En effet, afin de renforcer l'efficacité du dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux, tout en préservant l'esprit de celui-ci, la commission des lois, sous l'impulsion de la rapporteure – dont je salue le travail de qualité et l'implication sur ce texte – a modifié la place de ce nouveau dispositif au sein du code civil pour garantir son application à tous les régimes matrimoniaux et non uniquement aux régimes communautaires.
Elle a ensuite fait le choix de renvoyer au régime de l'indignité successorale plutôt qu'à celui de l'ingratitude, ce qui présente bien sûr de nombreux avantages. En effet, ce choix est cohérent avec l'objectif de lutte contre les violences au sein du couple car si l'ingratitude est un système protecteur des intérêts individuels de la personne qui a consenti la libéralité, l'indignité est au contraire fondée sur la préservation des intérêts de la société dans son ensemble. Privilégier un renvoi au régime de l'indignité, c'est donc privilégier une approche sociétale du phénomène à laquelle je ne peux que souscrire.
En outre, le mécanisme de l'indignité repose sur l'existence d'une condamnation pénale, contrairement au mécanisme de l'ingratitude qui suppose la démonstration d'une certaine gravité, souverainement appréciée par le juge. Pour améliorer l'efficacité du dispositif, il est donc plus clair et plus simple de le faire dépendre de l'existence objective d'une condamnation pénale comme nous le faisons en matière successorale.
Enfin, le renvoi au régime de l'indignité permet de garantir que le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux s'appliquera de plein droit dès lors que la condition tirée de la condamnation pénale est établie, du moins pour les infractions les plus graves que sont l'homicide, la tentative d'homicide et les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Les débats qui auront lieu ce jour, ainsi que dans le cadre de la navette parlementaire, seront aussi l'occasion d'améliorer encore ce dispositif sur plusieurs points.
Je pense tout d'abord à la proposition – dont nous débattrons tout à l'heure – de Mme la rapporteure de conditionner la déchéance de l'avantage matrimonial, non plus à l'indignité et à la déclaration d'indignité de l'époux violent, mais plus simplement à la condamnation pénale de celui-ci. Je m'en expliquerai évidemment plus avant, mais cette proposition va dans le bon sens : elle évite de créer une confusion entre la déchéance matrimoniale et l'indignité successorale qui demeurent deux dispositifs distincts – même si le premier s'inspire du second.
Je pense ensuite à la nécessité de développer davantage les contours de ce dispositif, par exemple en précisant quelles sont les personnes qui peuvent agir ou encore en prévoyant des dispositions d'application dans le temps afin de permettre la déchéance des avantages matrimoniaux insérés dans des contrats de mariage qui auraient été conclus avant l'entrée en vigueur de la loi. Là encore, les amendements déposés fort opportunément par la rapporteure seront l'occasion de réfléchir collectivement à la construction du dispositif le plus efficace.
Les travaux en commission ont consacré, par un nouvel article, la validité des clauses d'exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation en cas de divorce lorsque les époux ont choisi le régime de la participation aux acquêts. Cette consécration répond à une demande, pertinente, formulée par les praticiens depuis plusieurs années, comme l'a souligné la Cour de cassation dans plusieurs rapports.
L'article 2 de la proposition de loi relève du périmètre de mon collègue et ami Bruno Le Maire, qui ne peut être présent aujourd'hui et vous présente ses excuses – et sans aucun doute ses vœux de bonne et heureuse année. Il permet de traiter les cas sensibles de contribuables, souvent des femmes, solidairement contraints au paiement de dettes fiscales au titre de leurs années de vie en commun avec leur ex-conjoint.
Comme vous le savez, découle du principe constitutionnel d'imposition commune du foyer fiscal celui de la solidarité de paiement de la dette d'impôt sur le revenu. Ainsi, chacun des époux ou partenaires pacsés peut être recherché par l'administration fiscale pour le paiement du montant total de l'imposition du foyer, y compris après le divorce, s'il reste des sommes à acquitter au titre de la période d'imposition commune antérieure.
Certes, un mécanisme de décharge de responsabilité solidaire permet depuis 2008 de régler la situation de l'ex-conjoint justifiant de son incapacité de faire face au règlement de l'impôt commun. Ce système de décharge, automatique sous réserve de remplir certaines conditions, nous semble équilibré. Malheureusement, il subsiste des cas, humainement difficiles, qui, n'étant pas liés à une disproportion entre la dette fiscale et les capacités de remboursement du contribuable, ne peuvent être traités par ce dispositif de droit commun.
Pour illustrer mon propos, deux exemples : la dette fiscale résulte d'un contrôle ayant mis en évidence des revenus occultes ou dissimulés de l'ancien époux ou du partenaire pacsé ; l'un des ex-conjoints a été reconnu coupable de violences conjugales. Le Gouvernement est conscient du sentiment d'injustice relayé par certains conjoints. Ces femmes – le plus souvent –, sont contraintes en pareille situation de céder leur patrimoine personnel pour régler une dette dont elles n'ont pas eu connaissance, ou une dette résultant d'une fraude à laquelle elles sont parfaitement étrangères. Particulièrement sensible à ces questions, j'estime nécessaire que l'ensemble de ces situations individuelles puissent recevoir un traitement bienveillant.
Le dispositif actuellement prévu à l'article 2, issu d'un travail collectif entre la rapporteure et le ministère de l'économie et des finances, consiste en une extension de la procédure de demande gracieuse prévue à l'article L. 247 du livre des procédures fiscales. Les ex-conjoints ou partenaires de pacs seront désormais assimilés à des personnes tenues au paiement d'impositions dues par des tiers, ce qui offre davantage de souplesse aux services fiscaux pour traiter avec bienveillance, au cas par cas, l'ensemble de ces dossiers. Il s'agit là d'un progrès considérable, résultant de travaux fructueux entre le Parlement et le Gouvernement. Je m'en félicite.
Mesdames, messieurs les députés, si ce texte présente, à n'en point douter, une grande technicité, il est surtout porteur d'un message puissant, celui des grandes causes des deux quinquennats : égalité entre les femmes et les hommes ; lutte acharnée contre les violences faites aux femmes.
Oui, ce texte offre une réponse concrète à des situations iniques : jamais un époux meurtrier ne devrait pouvoir tirer un quelconque bénéfice de son crime ! Oui, ce texte offre aussi une réponse concrète à des injustices insupportables subies par les femmes de notre pays. Je forme donc le vœu que cette proposition de loi, fièrement brandie par la majorité présidentielle et le groupe Démocrate, soit adoptée de la manière la plus large et la plus transpartisane possible. Les femmes de notre pays le méritent.