Fort heureusement, elle constitue plutôt une exception, puisque des mécanismes existent pour faire face à ce type de situation en cas de donation ou de succession : l'ingratitude et l'indignité successorale.
Cependant, s'agissant des avantages matrimoniaux, il n'existe aucun équivalent de ces deux mécanismes ; l'article 1er vise à y remédier. Le dispositif prévu concerne les cas où le conjoint victime est décédé – lorsque celui-ci est encore vivant, le code civil prévoit déjà que le divorce emporte révocation des avantages matrimoniaux qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial.
À l'origine, l'article 1er tendait à modifier le code civil pour permettre la révocation d'un avantage matrimonial dans des conditions similaires à celles qui existent pour révoquer une donation entre vifs, c'est-à-dire lorsque l'époux a attenté à la vie de l'autre époux ou qu'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves.
À la suite de nos travaux, j'ai proposé à la commission des lois de réécrire le dispositif, d'abord pour s'assurer qu'il concerne bien l'ensemble des régimes matrimoniaux, ensuite pour que la déchéance d'un avantage matrimonial ne soit décidée qu'après une condamnation pénale, enfin pour que ce dispositif soit autonome.
Les temps contraints d'examen en commission ne nous avaient pas permis d'achever cette réécriture. C'est pourquoi je vous soumets plusieurs amendements qui visent à compléter le dispositif prévu par l'article 1er . Il vous sera ainsi proposé de préciser qui est susceptible de demander la déchéance de l'avantage matrimonial et dans quel délai.
Je vous présenterai également un amendement qui prévoit que, pour toutes les communautés universelles, un inventaire des biens soit réalisé lors du décès d'un des époux. Certains émettront peut-être des réserves mais je souhaite que cette question soit bien identifiée car, sans un tel inventaire, comment savoir ce dont il faut déchoir l'époux qui a assassiné son conjoint ?
Je souhaite également ouvrir le débat sur les avantages matrimoniaux qui ont pris effet au cours du mariage – je pense aux biens propres apportés à la communauté par le contrat de mariage. Comment expliquer que ces biens demeurent dans la communauté de l'époux meurtrier de son épouse ?
Par ailleurs, nous avons adopté en commission l'article 1er bis qui tend à modifier l'article 265 du code civil pour tenir compte d'une décision de la Cour de cassation du 18 décembre 2019. Il prévoit ainsi expressément que toute clause d'exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation ne peut être considérée comme un avantage matrimonial révocable de plein droit en cas de divorce. En effet, une telle clause ne présente un intérêt qu'en cas de divorce puisqu'elle vise à protéger les biens professionnels d'un chef d'entreprise.
L'article 2 porte sur un dispositif fiscal : la décharge de responsabilité solidaire. Dans sa version initiale, il comportait une proposition déjà discutée lors de l'examen du projet de loi de finances au Parlement et destinée à en assouplir les modalités d'octroi. Les époux ou les personnes pacsées forment un seul et unique foyer fiscal : ils sont donc solidairement responsables des impositions dues par ce foyer. Cette solidarité continue d'exister même lorsque le couple se sépare et surtout quel que soit son régime matrimonial. Dès lors, l'administration fiscale peut réclamer des impositions qui datent de la période d'imposition commune même si le foyer fiscal n'existe plus et même si les conjoints avaient choisi un régime de séparation de biens.
Concrètement, une personne dont l'ex-conjoint a fraudé alors qu'ils étaient en couple peut se voir réclamer le remboursement de l'intégralité de la dette fiscale si – pour une raison ou pour une autre – ledit conjoint n'est pas en mesure de le faire ou, bien sûr, s'il a organisé son insolvabilité. La personne concernée peut alors demander à l'administration fiscale d'être déchargée de l'obligation du paiement de cette dette : c'est la décharge de responsabilité solidaire. L'administration fiscale doit alors apprécier s'il existe une disproportion marquée entre la situation patrimoniale et financière du demandeur et le montant total de la dette. La disproportion avérée sera considérée comme marquée si la personne demandeuse n'est pas en mesure de rembourser la dette sur une période de trois ans.
J'ai la conviction forte qu'une telle situation n'est pas satisfaisante. Elle conduit certains conjoints – en réalité souvent des conjointes – à devoir se séparer de leur patrimoine pour rembourser une dette fiscale liée à une fraude dont ils ignoraient tout et dont ils n'ont pas bénéficié.
L'article 2, dans sa version initiale, prévoyait ainsi d'exclure de l'appréciation de la situation patrimoniale du demandeur les biens acquis avant le mariage ou le pacs, ainsi que les biens reçus par le demandeur par donation ou succession. Cette restriction de l'assiette aurait conduit à accorder plus un plus grand nombre de décharges de responsabilité solidaire tout en maintenant cependant l'obligation de remboursement pour certaines femmes.
Mes échanges avec l'administration fiscale m'ont conduite à proposer une réécriture de l'article 2, adoptée par la commission des lois. Dans sa nouvelle version, il prévoit donc une forme de dissociation du foyer fiscal a posteriori. Je m'explique : si la séparation des deux conjoints est effective et que la personne qui demande une décharge de responsabilité solidaire n'a pas participé à la fraude fiscale, alors son ex-conjoint pourra être considéré comme un tiers et assumera seul le paiement des impositions dues par leur foyer fiscal.
Cette solution est moins tangible que notre proposition initiale car elle repose sur la bonne volonté de l'administration fiscale et non sur l'assouplissement de critères précis énoncés par la loi. Si cet article devait être adopté, nous serons évidemment très vigilants s'agissant de sa mise en œuvre par l'administration fiscale. Il faut que celle-ci se saisisse de ce nouvel outil pour éviter les situations dramatiques dont nous avons déjà tous été témoins. Je crois néanmoins que nous souhaitons tous éviter de faire peser sur des personnes de bonne foi un fardeau fiscal trop lourd.
La proposition de loi, ainsi que les amendements que j'ai déposés, viennent ainsi mettre fin à des injustices dont notre droit civil et notre droit fiscal sont la source. Ils témoignent surtout, encore une fois, du soutien inconditionnel qu'apporte notre groupe à la lutte contre les violences faites aux femmes. J'espère donc que ce texte, ainsi modifié, sera adopté à une très large majorité.