Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mercredi 10 janvier 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

La justice patrimoniale est un vaste sujet, qui ne sera pas épuisé par ce texte malgré son titre fort ambitieux.

Cette proposition de loi s'attaque à deux sujets qui concernent le couple. D'une part, celui du conjoint violent que rien n'empêche à l'heure actuelle de profiter des avantages matrimoniaux, même en cas de meurtre ou de violences – dont l'épouse est le plus souvent la victime. D'autre part, celui du risque d'endettement de l'ex-conjoint tenu au paiement de la dette fiscale du foyer par application du principe de solidarité fiscale. Là encore, ce sont le plus souvent les femmes qui sont concernées.

En ce qui concerne l'article 1er, étonnamment rien dans notre droit ne permet de priver l'époux qui a tué son conjoint du bénéfice des avantages matrimoniaux. D'une certaine manière, notre législation consacre implicitement l'idée d'une communauté entre l'assassin et la victime. Cela nous amène légitimement à nous interroger et il faut mettre fin à cette anomalie.

La première version de la proposition visait à remédier à cette incohérence législative en organisant la révocation de l'avantage matrimonial par renvoi partiel au dispositif de la révocation d'une donation pour ingratitude. Mais cela ne concernait pas l'ensemble des cas et ne visait qu'un seul régime matrimonial, qui est très minoritaire. À la suite des auditions il est proposé d'améliorer très largement le dispositif proposé. Je remercie la rapporteure d'avoir choisi de renvoyer désormais au mécanisme de l'indignité successorale et non plus à celui de la révocation d'une donation pour ingratitude.

L'amendement que vous proposez permet d'avoir un dispositif beaucoup plus abouti. Il sera tout d'abord applicable à l'ensemble des régimes matrimoniaux. Ensuite, il garantira les droits, puisqu'une condamnation en justice sera nécessaire pour le rendre applicable. J'ajoute que votre dispositif est plus fin, dans la mesure où il ne s'applique pas en cas d'injure – notion incertaine qui s'éloigne de l'objet du texte et peut par exemple comprendre l'adultère. Enfin, votre amendement est plus opérationnel, car la déchéance du bénéfice de l'avantage patrimonial est de plein droit dans les cas où l'époux a été condamné à une peine criminelle pour meurtre, tentative de meurtre ou violences suivies de la mort du conjoint sans intention de la donner.

Le débat reste néanmoins ouvert en ce qui concerne certains points.

Par exemple, en cas de violences n'ayant pas entraîné la mort du conjoint, le retrait de l'avantage matrimonial est une faculté mais pas une obligation.

Par ailleurs, lorsque l'on entre dans le détail des modalités d'application du dispositif, on note que la rédaction permet potentiellement à l'époux meurtrier qui ne serait condamné qu'à une peine correctionnelle ou à celui auteur de violences de conserver le bénéfice de l'avantage matrimonial dans le cas où aucune demande d'indignité successorale n'aurait été formulée. Autrement dit : pas de déchéance du bénéfice de l'avantage matrimonial si un héritier ne fait pas le nécessaire ou s'il ne le fait pas en temps voulu.

C'est un vrai problème, qu'il faudrait résoudre en faisant en sorte que la déchéance résultant de l'indignité successorale ne dépende pas du bon vouloir ou des diligences de l'héritier. Je rappelle que le ministère public ne peut intervenir qu'en l'absence d'héritier. Il faudrait donc envisager des modalités d'application ad hoc, tant du point de vue des acteurs de la procédure que des délais.

Sur l'article 2, beaucoup de choses ont déjà été dites.

Nous soutiendrons cette proposition.

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