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Intervention de Frédéric Zgainski

Réunion du mercredi 10 janvier 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Zgainski, rapporteur :

Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui dans votre commission pour l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la démocratie locale et le fonctionnement du conseil municipal, inscrite à l'ordre du jour de la niche du groupe Démocrate (MODEM et indépendants). En tant qu'élu municipal, j'ai eu à cœur de travailler, depuis mon arrivée à l'Assemblée nationale en 2022, sur les droits des élus locaux et plus largement sur le fonctionnement du conseil municipal. Je suis persuadé que des améliorations substantielles sont possibles, qui permettront de revivifier la démocratie locale.

En avril 2023, deux chiffres relatifs au nombre de démissions des élus locaux ont été rendus publics : à cette date, et depuis les dernières élections municipales de 2020, 4 700 élus municipaux et 1 293 maires avaient démissionné. Selon un sondage IFOP réalisé en 2022, plus d'un maire sur deux ne souhaiterait pas se représenter à la fin de son mandat. Ces chiffres sont révélateurs d'une crise civique importante et d'un malaise profond de nos élus locaux, qui sont pourtant le cœur battant de notre fonctionnement démocratique.

Cet essoufflement démocratique, qui se traduit par un désengagement de nos concitoyens dans la vie politique locale, s'explique en partie par la hausse des violences subies par les élus locaux et par la charge de travail induite, qui rend difficile la conciliation avec la vie personnelle, mais aussi par les difficultés rencontrées dans l'exercice du mandat et le manque de moyens financiers et matériels. Ces derniers obstacles sont encore plus prégnants lorsque l'élu n'appartient pas à la majorité.

Une enquête réalisée par l'Association nationale des élus locaux d'opposition, l'Aelo, auprès de 500 élus municipaux d'opposition, publiée en juin 2023, a étayé ce constat : 60 % des conseillers municipaux d'opposition déclarent ne pas disposer d'un local pour se réunir, 77 % indiquent que la taille de leur espace d'expression réservé n'excède pas 2 000 signes et 73 % considèrent que les délais de transmission de l'ordre du jour et des annexes ne sont pas suffisants pour préparer la réunion du conseil municipal.

Par ailleurs, cette enquête met en évidence la forte judiciarisation de la vie politique locale, symptôme d'une tension croissante des relations entre les élus locaux et du manque de marge de manœuvre de ces derniers. Elle a des conséquences financières pour les élus, qui financent souvent ces procédures sur leurs deniers personnels. Elle allonge également les délais de résolution des problèmes, alors qu'une issue consensuelle pourrait être trouvée, et participe à l'encombrement de nos tribunaux administratifs.

Des travaux importants ont été lancés pour améliorer le statut de l'élu local et lutter contre les violences envers les élus par nos collègues Violette Spillebout et Sébastien Jumel, qui devraient déposer une proposition de loi sur ce sujet dans les prochains mois. La commission des lois examinera aussi, à la fin du mois de janvier, une proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui est destinée à compléter ces travaux et ne traite pas des mêmes sujets. Elle a pour ambition d'améliorer le fonctionnement du conseil municipal et les conditions de travail des élus locaux et de renforcer les moyens à leur disposition, ce qui facilitera in fine l'exercice de leur mission.

La proposition de loi comporte huit articles.

L'article 1er modifie les règles applicables en matière de quorum et de délégation de pouvoirs au sein du conseil municipal. Il diminue le quorum nécessaire pour que le conseil municipal puisse valablement délibérer à un tiers des membres en exercice présents, contre la moitié dans le droit actuel. Il porte également d'un à deux le nombre de pouvoirs qu'un même conseiller municipal peut se voir déléguer.

L'article 2 prévoit l'allongement du délai minimum de convocation du conseil municipal et du délai minimum de transmission de la note explicative de synthèse. Le premier passerait ainsi de trois à dix jours francs dans les communes de moins de 3 500 habitants et de cinq à vingt jours dans les communes de 3 500 habitants et plus. La note explicative de synthèse adressée aux conseils municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus ne serait plus obligatoirement transmise en même temps que la convocation et son délai minimum de transmission passerait de cinq à sept jours francs avant la réunion du conseil municipal.

L'article 3 prévoit une information spécifique du conseil municipal par le maire en cas de délégation de fonction.

L'article 4 donne la possibilité aux conseils municipaux de participer au financement de certains frais se rattachant directement à l'exercice du mandat des conseillers municipaux et fixe les limites applicables à cette participation financière de la commune.

L'article 5 prévoit que le président des commissions formées par le conseil municipal est élu par ces commissions. Il crée en outre une commission chargée des questions relatives aux finances dans chaque commune, dont la présidence est confiée, dans les communes de 1 000 habitants et plus, à un conseiller n'appartenant pas à la majorité municipale, sauf si aucun conseiller n'a déclaré ne pas appartenir à cette dernière.

L'article 6 crée un poste de questeur au sein des conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus, confié à un élu de l'opposition, qui serait chargé de veiller à la bonne application du règlement intérieur du conseil municipal.

L'article 7 donne la possibilité à la moitié des membres du conseil de demander au préfet de saisir la chambre régionale des comptes pour un contrôle des comptes ou un examen de la gestion de la commune.

À la suite des travaux menés en vue de la réunion d'aujourd'hui, j'ai déposé plusieurs amendements que je vous présenterai en détail lors de l'examen des articles. Sachez déjà que je vous proposerai de supprimer les dispositions relatives à la modification du quorum prévues à l'article 1er. À l'article 5, je proposerai de rendre obligatoire la constitution de commissions municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus – j'ai d'ailleurs retrouvé une proposition de loi du MRP datant de 1948 qui prévoyait des dispositions similaires dans les communes de plus de 9 000 habitants. En conséquence, je vous proposerai de supprimer les dispositions relatives à la commission des finances, puisqu'il serait probable qu'une commission des finances soit créée au sein des conseils municipaux.

Je vous proposerai également de remplacer, à l'article 6, le terme de « questeur » par celui de « médiateur » et de préciser son rôle. Je proposerai enfin d'ajouter trois articles au texte, le premier pour porter à six par an le nombre minimal de réunions du conseil, les autres pour consacrer dans le droit des jurisprudences administratives relatives à la mise à disposition d'un local pour les élus municipaux d'opposition et à leur espace réservé dans les publications de la commune.

J'espère que nous trouverons un accord sur le vote de cette proposition de loi.

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