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Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Roch-Olivier Maistre, président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :

J'ai souvent l'occasion de m'exprimer publiquement devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. J'étais encore hier devant la commission de la culture du Sénat. Vous connaissez donc mes convictions et vous ne serez pas surpris par ma réponse.

Pour suivre ce paysage de très près depuis une quarantaine d'années, je considère que nous sommes entrés dans une phase de mutations. Ce terme est sans doute un peu galvaudé – j'ai moi-même employé le mot « révolution ». Nous sommes en tout cas dans une phase de transformation très rapide du secteur, qui exige une grande attention de la part des pouvoirs publics et de l'autorité que je préside. Je salue d'ailleurs les initiatives prises par le Parlement, notamment les travaux que vous avez conduits, monsieur le président Bataillon, monsieur le député Gaultier, dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public. Je pense aussi à d'autres travaux menés par le Sénat. Dans la période que nous traversons, nous devons être très attentifs au devenir des acteurs, publics ou privés, confrontés à de profondes transformations et à une sérieuse remise en cause de leur modèle économique. Si l'on n'assure pas la pérennité de ce dernier, il ne sert à rien de disserter à l'infini sur les vertus du pluralisme.

Je le redis avec force, l'asymétrie ou l'inégalité de situation est très claire entre les acteurs du numérique et les acteurs traditionnels, régulés, encadrés et contrôlés très étroitement – le corpus juridique qui leur est applicable est en effet extrêmement dense. La différence est particulièrement perceptible en matière de réglementation sur la publicité : on voit bien la façon dont les acteurs du numérique captent de façon croissante cette ressource. Nous devons donc accompagner les médias traditionnels et engager des réflexions qui nous paraissaient peut-être jusqu'à présent inopportunes. Si nous voulons bénéficier de grands médias dotés de rédactions professionnelles, à même de nous apporter une information rigoureuse, pluraliste et honnête, nous devons être très vigilants s'agissant du modèle économique de ces acteurs.

Il va sans dire que le service public ne peut être étranger à ces mouvements. Je rappelle qu'il représente 30 % des audiences, 15 000 salariés, et qu'il joue un rôle central dans le paysage audiovisuel français, pour le financement de la production, pour l'information et pour le rayonnement de la France à l'étranger.

Un service public fort doit être bien financé : il a besoin d'une ressource affectée – vous connaissez mes positions, monsieur le président. J'espère qu'après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, le dispositif de financement qui prévaut actuellement, à savoir l'affectation d'une fraction du produit de la TVA, pourra perdurer. Je le répète, il est essentiel de prévoir un financement qui garantisse l'indépendance de notre audiovisuel public, à la hauteur des missions confiées à ce dernier.

Au-delà des questions de financement, il importe que le service public rassemble ses forces. Il a engagé ce mouvement important : ainsi, France 3 est en train de se rapprocher du réseau de France Bleu. Par ailleurs, je suis convaincu qu'une chaîne d'information du service public peut occuper une vraie place, en termes d'audiences, dans le paysage audiovisuel. Je ne mets pas du tout en cause les équipes de France Info, qui font très bien leur métier, mais on ne peut se satisfaire du taux d'audience de la chaîne, proche de 0,8 % ou 0,9 %, soit beaucoup moins que les chaînes privées. Je suis sûr que le service public a une carte à jouer, mais la dynamisation de France Info et la consolidation du projet de rapprochement entre France 3 et France Bleu nécessiteront très probablement une réflexion sur la gouvernance et le pilotage de ces opérateurs.

Je ne suis pas surpris que certains éditeurs privés se plaignent des conventions très denses que nous leur imposons à l'occasion des renouvellements d'autorisation, mais nous ne faisons que notre métier. Je connais le discours que l'Association des chaînes privées, qui se manifeste souvent auprès de moi – nous avons encore auditionné des représentants de TF1 récemment –, tient à l'égard du service public. Ce dernier a cependant des obligations nombreuses et plurielles, que l'on ne peut sous-estimer ; pour s'en convaincre, il suffit de lire son cahier des charges, ce que nous faisons régulièrement puisque l'Arcom donne chaque année un avis sur l'exécution des COM et le respect des cahiers des charges des opérateurs publics.

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