Ma question s'inscrit dans le prolongement de votre dernière réponse puisqu'elle porte spécifiquement sur CNews et sur la convention qui lie cette chaîne au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), donc aujourd'hui à l'Arcom. Cette convention comporte des tas d'éléments intéressants : on y lit en particulier les obligations de la chaîne, s'agissant notamment des contenus qu'elle doit diffuser et de la manière dont elle doit maîtriser son antenne.
L'article 2-3-1 prévoit que « L'éditeur assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion […]. » De fait, le pluralisme n'est pas respecté sur CNews ; la chaîne est d'ailleurs régulièrement rappelée à l'ordre et même sanctionnée par votre autorité pour ses manquements en la matière. Le sémiologue François Jost a montré que les invités de droite et d'extrême droite représentaient, en 2022, 78 % des intervenants sur CNews. Nous sommes obligés de reconnaître qu'il ne s'agit plus d'une chaîne d'information mais bien désormais d'une chaîne militante, qui promeut un projet idéologique d'extrême droite, avec une préférence pour le spectre zemmourien – CNews a d'ailleurs assuré la promotion d'Éric Zemmour lors du lancement de sa campagne présidentielle. Personne ici ne peut contester le fait que la chaîne ressasse toujours les mêmes thèmes, les mêmes obsessions, souvent dirigées contre les musulmans et les immigrés. On est très loin du « pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion ».
Article 2-3-2 : « L'éditeur veille dans son programme […] à respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses du public ; à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race ou de l'origine, du sexe, de l'orientation sexuelle, de la religion ou de la nationalité ; […] à lutter contre les discriminations ; à prendre en considération, dans la représentation à l'antenne, la diversité des origines et des cultures […]. » Là encore, CNews a été rappelée à l'ordre et condamnée à de nombreuses reprises, par exemple lorsqu'Éric Zemmour – encore lui – a affirmé, à l'antenne, à propos des mineurs isolés étrangers : « Ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs. » Je le répète, les musulmans sont la cible quotidienne de CNews.
Article 3-1-1 : « Le service est consacré à l'information. Il offre un programme réactualisé en temps réel couvrant tous les domaines de l'actualité. […] » Cette obligation n'est pas non plus respectée puisque CNews est devenue une chaîne de commentaire et non plus de présentation des faits – même si le commentaire a aussi sa place sur une chaîne d'information, et je suis bien placé pour le savoir puisque j'ai travaillé pour l'ancêtre de CNews, une chaîne qui, à l'époque, faisait vraiment de l'information. D'après l'étude menée par François Jost, l'information stricto sensu, c'est-à-dire l'énonciation des faits, occupe seulement 13 % du temps d'antenne.
J'ajoute que l'on trouve sur CNews des choses très curieuses, qui n'ont rien à voir avec l'information ou la présentation de faits. Je pense à l'émission « En quête d'esprit », empreinte de militantisme catholique radical. Le programme du 2 octobre 2022 était intitulé « Anges et démons, le vrai combat ». Le présentateur a dit le plus sérieusement du monde, comme s'il s'agissait d'une information réelle comparable à celles venues du Proche-Orient : « C'est une réalité plus sournoise que tous les virus, plus dangereuse que toutes les épidémies et plus contagieuse que toutes les infections. Cette réalité, ce sont les forces du mal. Elles étendent leur pouvoir dans toutes les sphères de la société. Mais nous avons un allié, l'archange Saint Michel. Comment lutter contre le mal avec les armes de la foi ? C'est le thème de cette émission aujourd'hui. » Il faudra qu'on m'explique le rapport avec de l'information…
Je pense que vous m'avez bien compris et que vous avez été vous-même alerté à de nombreuses reprises sur cette situation. Je comprends que vous ne puissiez porter aujourd'hui un jugement définitif sur l'avenir de CNews, mais les éléments que je viens de rappeler à votre mémoire ne posent-ils pas problème au regard des obligations conventionnelles de la chaîne ? La question d'un retrait de l'autorisation de fréquence accordée au groupe Bolloré est-elle pertinente ?