Les critères de choix que la loi vous impose ont beau être précis, ils peuvent se prêter à une forme d'interprétation ou à un travail de définition. Vous avez évoqué d'abord l'intérêt pour le public, puis l'impératif de pluralisme. Vous avez également expliqué que le principe de pluralisme, au sens de la loi, s'appliquait aux interventions des responsables politiques identifiés comme tels. Mais ne pourriez-vous pas adopter une vision plus large du pluralisme, dans l'intérêt du public ?
Vous aurez bientôt à réattribuer les fréquences de quinze chaînes de la TNT. Il vous sera difficile d'examiner les lignes éditoriales des candidats – du reste vous vous y refusez, ce qui est bien normal compte tenu de la liberté de la presse. Cependant, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de garantir, au sein de ce bouquet de quinze chaînes, une pluralité des lignes éditoriales ? C'est ce que la loi impose aux kiosques, qui doivent présenter et rendre visibles aux yeux de tous des titres issus de l'ensemble des sensibilités politiques et des familles de pensée. Il s'agirait d'éviter que certaines chaînes d'information suivent une ligne éditoriale très clairement marquée à l'extrême droite sans avoir, en face, de chaînes faisant le pendant. Une telle situation ne poserait-elle pas problème au regard de l'intérêt du public ?
Vous l'avez dit vous-même, il est difficile de trouver des acteurs capables de répondre aux obligations financières et de réaliser les investissements nécessaires à la construction d'une chaîne de télévision. Il serait donc d'autant plus difficile d'imposer le pluralisme au sein d'un bouquet : cela nécessiterait que plusieurs milliardaires défendent des lignes éditoriales ou des lignes politiques très différentes – je n'emploie pas l'adjectif « politique » au sens partisan du terme, mais pour me référer à une vision globale de la société. Ne faudrait-il pas déduire de la notion d'intérêt pour le public un impératif de pluralisme au sens large, à savoir la nécessité d'une pluralité obligatoire des familles de pensée représentées au sein des chaînes de télévision ? Nous éviterions ainsi qu'une chaîne de la TNT – qui est donc une chaîne de nature publique – soit captée par une orientation politique très partisane, puisque celle à laquelle je pense a promu un individu qui s'est ensuite porté candidat à l'élection présidentielle.