Sur votre première question, je serai très prudent : je ne veux en aucune façon préjuger de la procédure qui va se dérouler, et je ne voudrais pas me départir de l'impartialité à laquelle je suis tenu – si j'y dérogeais, cela pourrait d'ailleurs constituer un motif d'annulation de cette procédure. Je ne porterai donc aucun jugement, et je n'appliquerai aucun qualificatif à quelque média que ce soit.
S'agissant de la durée des autorisations, la loi fixe des durées maximales – dix ans à la suite de la procédure d'appel à candidatures, cinq ans en cas de renouvellement sans appel à candidatures. Cette année, les autorisations arrivent à leur terme et nous repartons donc de zéro. Les autorisations que nous délivrerons en 2025 vaudront donc pour une durée maximale de dix ans. L'éditeur peut souhaiter une durée moindre.
Je suppose que vous entendrez l'entreprise que vous avez évoquée. Elle vous l'expliquera mieux que moi : elle a entièrement changé de modèle. Le Canal+ d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui d'hier. C'est aujourd'hui pour l'essentiel une plateforme numérique, MyCanal ; elle ne prend plus, depuis déjà quelque temps, d'abonnés sur la TNT payante, même si elle y est toujours présente. Le nombre d'abonnés TNT a logiquement beaucoup diminué. La question de son maintien est récurrente au sein du groupe : la TNT a beaucoup d'avantages, mais aussi un coût significatif, puisqu'elle oblige l'éditeur à couvrir au minimum 95 % du territoire, ce qui suppose de rémunérer le diffuseur, TDF, pour l'ensemble du territoire, y compris, pour les chaînes payantes, dans les zones où elles n'ont pas d'abonnés. Le coût de diffusion est donc élevé. Une chaîne peut donc se poser légitimement la question de la pertinence de son maintien sur la TNT. Cela explique qu'ils aient souhaité des durées plus courtes. Encore une fois, il leur reviendra de vous expliquer leur démarche.
Le groupe Canal+ est le premier financeur du cinéma français, auquel il consacre 200 millions d'euros par an aux termes d'un accord conclu avec les professionnels du secteur. Cet accord arrive à échéance en 2024 et les premières discussions en vue de sa reconduction viennent de débuter.
Les décrets relatifs à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, révisés le 30 décembre 2021, fixent des obligations de même nature quel que soit le mode de diffusion. Autrement dit, les obligations qui pèsent sur les éditeurs de la TNT sont les mêmes que celles qui s'appliquent à la diffusion d'œuvres par câble, par satellite ou par des services de médias audiovisuels à la demande (Smad). Même s'ils abandonnent la TNT pour se concentrer sur une diffusion par câble ou par satellite, les éditeurs resteront donc soumis à des obligations de même nature représentant, grosso modo, les mêmes montants.
J'en viens à votre question sur les négociations. Je précise à nouveau que nous ne définissons pas de cahier des charges : nous lançons un appel à candidatures, dont le contenu est fixé par la loi – je l'ai précisé tout à l'heure.
Vous avez évoqué des négociations que nous aurions engagées depuis septembre. Nous n'en avons engagé aucune : nous n'avons fait qu'organiser une consultation publique, pendant laquelle nous avons informé les acteurs du secteur que quinze autorisations arrivaient à échéance et posé une série de questions pour recueillir les impressions des uns et des autres. Nous avons ensuite réalisé une étude d'impact, à finalité économique, qui vous sera communiquée très prochainement – vous verrez que c'est un document très riche. Nous lancerons alors un appel à candidatures ; des opérateurs y répondront en proposant des projets, qu'ils pourront défendre dans le cadre d'auditions publiques si nous les retenons. Ce n'est qu'après ces étapes que nous entrerons dans la phase d'établissement des conventions. Il ne s'agira pas d'une négociation, puisqu'il revient au régulateur de fixer la convention, laquelle prend en compte les engagements pris par l'éditeur. Tout ce que ce dernier écrira dans son dossier de candidature et dira lors des auditions sera consigné, noir sur blanc, dans la convention, dont la bonne application sera garantie par l'Arcom.
Une fois que l'appel à candidatures aura été lancé, les membres du collège se tiendront à distance des éditeurs. Aucune rencontre ne sera organisée ; seuls les services pourront continuer à dialoguer avec les entreprises s'il faut régler une question d'ordre technique ou administratif. Une règle d'impartialité s'imposera à tous les membres du collège, qui ne sont pas juges et parties : ils choisissent le candidat puis veillent à la bonne application de la convention.
J'insiste sur la très grande attention que l'Autorité porte au respect de ces règles. Je vois les interpellations qui nous sont adressées chaque jour – je tweete de façon modérée, pour ce qui me concerne, mais il m'arrive de consulter la plateforme X précédemment appelée Twitter, ne serait-ce qu'au titre de mes fonctions de président de l'Arcom. Cependant, s'agissant d'une liberté publique fondamentale, le droit est particulièrement strict. C'est l'honneur et la responsabilité de l'Autorité que de l'utiliser, dans un cadre très balisé. Certains considèrent que nous n'intervenons pas assez, d'autres trouvent que nous intervenons trop : cette double critique signifie sans doute que nous nous situons sur une ligne de crête raisonnable.