Je partage les propos du professeur Mbembe, notamment concernant les actions réalisées depuis de nombreuses années, et notamment depuis 2017, mais qui sont insuffisamment entendables, en raison des « irritants » qui polarisent aujourd'hui l'attention médiatique. Nous sommes donc dans une situation subie alors que nos avantages comparatifs sont encore nombreux, en dépit de la perte de connaissances dont parlait le professeur.
Afin de passer d'une situation subie à une situation choisie, il importe, pour la France, de réinventer son rôle. Au moment des indépendances, le général de Gaulle a proposé un contrat stratégique très clair, même s'il est aujourd'hui dépassé. Il s'agissait ainsi d'offrir l'aide et la sécurité des régimes en échange d'une loyauté des pays africains envers la France, notamment lors des votes à l'ONU. Une nouvelle ère s'est ouverte sous François Mitterrand. Ce dernier a diminué la garantie en accordant l'aide aux États et non plus aux régimes, et en établissant une nouvelle conditionnalité : cette aide et cette sécurité étant principalement accordées aux États faisant preuve d'efforts en matière de démocratie. Vertueuse dans son principe, cette offre a entraîné en réalité des incohérences dans son application. Il est vrai que cette règle est appliquée strictement dans certains cas, mais pas du tout dans d'autres cas. Par exemple, le président Hollande refusait de parler avec la Guinée équatoriale, mais nous avons conservé des relations privilégiées avec le Gabon dans tous les domaines politiques, économiques et du renseignement, alors même que les régimes sont assez voisins dans leur mode de fonctionnement.
Ces incohérences entraînent une grande illisibilité. Nous manquons d'une redéfinition de notre offre stratégique. Monsieur Mbembe, vous avez évoqué dans votre propos liminaire la notion de « sécurité élargie ». Qu'entendez-vous par là, concrètement ? Au Niger, nos 1500 forces présentes sur place ne sont pas intervenues pour empêcher le coup d'État contre le président Bazoum. De ce fait, cette absence de réaction peut inquiéter les États voisins, qui se demandent si la France est encore un partenaire solide pour assurer leur sécurité. De quelle manière notre offre de sécurité peut-elle être enrichie, et surtout crédible et légitime ?