Concernant les risques courants, je préfère employer l'expression de dégradation de la réponse plutôt que celle de rupture capacitaire. Elle décrit mieux la réalité : si mon camion est occupé quelque part quand la deuxième mission arrive, j'arriverai toujours à l'envoyer, mais dans des délais plus longs. La véritable rupture capacitaire arrive devant les crises, que notre monde a rendues hybrides et polymorphes et qui dépassent l'échelon départemental auquel les SDIS opèrent. Pour mieux faire face à de telles crises, il est nécessaire que nous puissions travailler avec tous les acteurs impliqués. La loi Matras (loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels), en créant le contrat territorial de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces (Cotrrim), vise à nous préparer à ces ruptures capacitaires.
L'échelon départemental est le bon échelon pour faire face aux risques courants et à une grande partie des risques complexes, mais il a forcément vocation à être en rupture capacitaire pour ce qui sort de la norme. L'échelon zonal est celui qui permet de faire face aux crises hybrides : la planification financière doit être faite en collaboration avec les directions d'administration centrale, puisque ce ne sont pas les collectivités locales qui financent les moyens de sécurité civile à cet échelon. Je souligne que ces crises ont plusieurs dimensions : on l'a bien vu avec la pandémie de covid-19, qui était d'abord une crise sanitaire, avec des implications pour la sécurité civile. Un outil comme le Cotrrim permet de prendre ces différentes dimensions en considération.
Il faut créer des espaces au niveau zonal qui favorisent la coordination entre les acteurs – associations agréées de sécurité civile, partenaires de la santé, préfets de zone et de départements… – afin qu'ils puissent se connaître et travailler à la planification. Tous les textes qui sortent depuis trois ans visent à raffermir cet échelon zonal et l'on voit émerger de tels espaces, mais cela reste encore embryonnaire, notamment dans le domaine financier.