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Intervention de Emmanuel Clavaud

Réunion du jeudi 16 novembre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Emmanuel Clavaud, contrôleur général, directeur départemental et métropolitain, service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du Rhône et de Lyon :

La rupture capacitaire sur les missions quotidiennes est déjà une réalité, principalement en journée dans les territoires ruraux. Je le constate dans le Rhône, comme je l'ai fait en Savoie et dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il nous arrive d'avoir plusieurs centres dans l'incapacité de faire face – je parle bien des interventions courantes.

Nous travaillons avec l'ensemble de nos partenaires pour y remédier, mais les solutions valables pour un territoire ne le seront pas forcément pour un autre. Comme notre système est agile, je pense qu'il faut nous laisser un peu plus de souplesse pour inventer des solutions locales, dans le cadre d'un contrat de territoire impliquant tous les acteurs, plutôt que dans celui d'un contrat capacitaire global au niveau national avec des indicateurs généraux de performance. Avec le dérèglement climatique, la rupture capacitaire sera sans doute amenée à s'accentuer, face à des missions plus nombreuses et plus intenses. On sait que la saison des feux de forêts s'allonge – de trois mois il y a vingt ans, elle est passée à cinq ou six mois – et qu'elle enchaîne avec les tempêtes et inondations.

Notre système est robuste – il l'a démontré lors de la crise sanitaire, où il a été poussé à bout – mais je pense qu'il est arrivé en fin de cycle. Nous devons absolument préserver ses qualités, tout en nous efforçant de renforcer les effectifs et d'améliorer leur disponibilité. Il faut donc chercher d'autres viviers – les réserves ne doivent pas être un sujet tabou, mais pas non plus vues comme la solution miraculeuse. Il faut également mieux comprendre le volontariat. Je pense d'ailleurs qu'il n'y a pas un, mais des volontariats et qu'avant d'élaborer de grands plans nationaux ou départementaux, il serait bon de mener des enquêtes sociologiques pour comprendre qui sont les sapeurs-pompiers volontaires. J'ajoute que beaucoup de sapeurs-pompiers professionnels ont le double statut, car ils exercent en ville et sont volontaires aussi dans les territoires ruraux où ils habitent.

Ce dernier point fait émerger un sujet important : je pense que la réflexion sur l'évolution de notre modèle de sécurité civile doit prendre en compte l'ancrage territorial. La marque de fabrique d'un sapeur-pompier est sa connaissance du territoire. Cet ancrage doit se retrouver dans la doctrine d'emploi et dans la souplesse des outils mis à notre disposition pour trouver des solutions localement adaptées à la rupture capacitaire, car, si l'évolution des outils réglementaires nous a permis de nous adapter, cette capacité d'adaptation me semble aujourd'hui épuisée.

Il nous faut inventer autre chose. Cette réflexion devra être menée de façon globale avec tous les acteurs. Notre sécurité civile est hybride, polymorphe et intégrée, ce qui constitue la spécificité du modèle français et fait sa force. Nous pouvons aller chercher un spécialiste – pilote, démineur… – et le faire travailler avec les autres acteurs. Notre modèle peut être vu comme un agrégat de statuts, de métiers et de compétences, orienté par une politique cohérente, et structuré par une organisation hiérarchique régalienne, dont le préfet est à la tête.

Il faut réfléchir à l'ambition que nous avons pour l'avenir de notre modèle de sécurité civile. Nous donnons tous les jours, avec les élus, les préfets et les équipes, le meilleur de nous-mêmes pour éviter d'avoir à vivre ce cauchemar que nous avons tous de ne pas pouvoir répondre à une demande de secours – car, au-delà des chiffres, chaque demande est importante. C'est un gros défi pour l'avenir.

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