Le SDIS de la Somme est représentatif de ceux de nombreux départements de France, avec 400 sapeurs-pompiers professionnels, 100 personnels administratifs et techniques et environ 2 000 sapeurs-pompiers volontaires. Il possède une particularité intéressante, dans la mesure où il combine des territoires très ruraux, une façade maritime et une zone densément peuplée, celle de l'agglomération d'Amiens. Nous disposons, pour couvrir l'ensemble de notre territoire, de cinquante-six centres de secours, avec une vingtaine de corps communaux du côté de la Picardie maritime. Quarante-six de ces centres fonctionnent uniquement avec des astreintes de sapeurs-pompiers volontaires. Cet engagement citoyen sur le territoire samarien est particulièrement précieux et concourt à un beau modèle de sécurité civile.
Tout comme mes collègues, je crois que le problème ne concerne pas tant le nombre de volontaires que leur fidélisation et leur disponibilité, en jours-semaine notamment, c'est-à-dire du lundi au vendredi en journée. Nous organisons de plus en plus de gardes postées dans nos centres de secours les jours de la semaine. Et alors qu'auparavant, nous trouvions facilement notre lot de sapeurs-pompiers volontaires le week-end, nous avons plus de mal désormais à atteindre notre potentiel opérationnel journalier, surtout les week-ends estivaux et printaniers.
Contrairement à d'autres départements, nous n'avons pas de difficultés liées au sens de notre mission et au Suap. Nous avons des rapports très sains avec nos collègues du monde de la santé. Ces dernières années, nous nous sommes inquiétés, comme beaucoup, du nombre d'interventions pour carence d'ambulance privée. Le problème, néanmoins, a été en partie résolu par les gardes ambulancières organisées à la suite de la publication du décret portant réforme des transports sanitaires urgents et de leur participation à la garde. L'équilibre qui a été trouvé me paraît convenable pour nos sapeurs-pompiers. Il est vrai, en revanche, que nous sommes tributaires des fermetures de centres hospitaliers ou de services d'urgence, qui surviennent du jour au lendemain. Nos sapeurs-pompiers volontaires, difficilement disponibles en semaine, doivent consacrer deux ou trois heures à assurer des transferts : dans notre département, ce n'est pas l'attente à l'entrée des centres hospitaliers qui pose problème, mais le temps de transport.
Comme tous les départements français, nous observons une récurrence inquiétante des crises. Des risques auparavant aléatoires surviennent désormais tous les deux ou trois ans : alors que les feux de champ, de blé sur pied ou de récoltes n'ont jamais été un sujet d'inquiétude en zone Nord, nous avons dû assurer durant les étés 2019 et 2022 des engagements opérationnels très importants pour y faire face, allant jusqu'à deux tiers des personnels disponibles. Nous avons également connu des tempêtes et tornades particulièrement violentes. Pour résumer, l'intensité des événements s'est accrue. Notre fonctionnement atteint ses limites, et nous ne sommes pas à l'abri d'une rupture capacitaire. Ce qui plane, c'est la menace de la loi de Murphy. Les drames que vivent ces jours-ci nos collègues du Pas-de-Calais le montrent bien : si plusieurs territoires du Nord et de la Somme étaient confrontés simultanément à des crises de grande intensité, il nous serait très difficile d'y faire face.
Il me semble que, s'agissant du risque courant, et mis à part les questions complexes du Suap qui impliquent des rapports avec le monde de la santé, notre système de financement fonctionne et reste soutenable. En revanche, le coût de tout ce qui sort du domaine courant est beaucoup plus lourd. Ce sont des interventions sur des risques complexes, qui demandent l'engagement de matériels coûteux et des formations spécifiques, et qui font croître encore la polyvalence de nos missions. Sans aide de l'État, notamment pour le financement des investissements nécessaires grâce au pacte capacitaire, les collectivités auraient beaucoup de mal à financer ces coûts.
Enfin, les 400 jeunes sapeurs-pompiers de notre département constituent un vivier très précieux, puisqu'ils constituent la moitié des sapeurs-pompiers volontaires qui entrent chaque année, ce qui est notable. Les jeunes et les volontaires distillent une citoyenneté et une compréhension de la sécurité civile dans la population, même s'ils ne restent pas aussi longtemps que nous le souhaiterions. Ils donnent de la robustesse à notre fonctionnement et nous permettent de constituer des effectifs suffisants pour faire face aux crises.