La précédente mission d'information concernant notre métier date de quatorze ans. Je suis donc d'autant plus heureux de votre invitation.
Avenir Secours est le syndicat majoritaire de l'encadrement. Nous couvrons 95 % du territoire hexagonal et la totalité des outre-mer.
Je remercie les députés qui nous soutiennent par leurs conseils, leurs encouragements et leur suivi des dossiers : M. Jean-Marie Fiévet, M. Hervé Saulignac, M. Fabrice Brun, Mme Sandra Regol et M. Pierre Morel-À-L'Huissier. Ils ont accompagné nos derniers combats, comme la revalorisation de la prime de feu et l'arrêt de la surcotisation à la caisse de retraite. Nous attendons la promulgation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour voir si les engagements des ministres Guerini et Darmanin seront tenus en matière de portabilité.
Si notre modèle de sécurité est original sur le plan européen, il a en partie atteint ses limites. Face à l'augmentation du nombre de catastrophes et des sollicitations, il est urgent de changer de braquet, car les pompiers professionnels et volontaires ainsi que les personnels de soutien sont en surchauffe. Chaque jour, nous réalisons un nombre colossal de missions, puisqu'une intervention a lieu toutes les sept secondes et que nous devons faire preuve d'une grande polyvalence technique. Nos matériels, également, doivent être modernisés.
Les sapeurs-pompiers, bien souvent, sont les grands oubliés des différentes réformes. Il n'est que temps d'y remédier, même si nous disposons de nombre d'atouts et de capacités d'action !
Sur le plan juridique, les principaux textes datent de 1938, 1955, 1983, 1987, 1996, 2004 et 2021, quatre lois essentielles ayant été votées en quatre-vingt-dix ans. La sécurité civile française mérite mieux. Les dernières évolutions statutaires ont simplement permis un rattrapage de quinze à vingt ans par rapport aux autres institutions régaliennes comme la police et la gendarmerie. Un statut des emplois supérieurs de direction, injuste, précaire et peu attractif, a été créé en 2016 sans être à même de répondre aux enjeux.
Nous relevons également des arbitrages systématiquement défavorables entre les ministères de l'intérieur et de la santé. Dans la majorité des territoires, nous sommes encore les supplétifs des SAMU.
Les disparités entre les territoires sont inacceptables, chacun se contentant d'une augmentation de 1,5 point du glissement vieillesse technicité (GVT) et d'augmentations microscopiques pour juger de l'amélioration de la sécurité. Cela ne suffira pas à rattraper d'immenses retards dans certains territoires, tout le monde n'ayant pas été sur la même ligne de départ.
Le grand public ne sait pas qui paie, qui contribue, qui commande, combien cela coûte. Les élus locaux méconnaissent leurs propres responsabilités et les élus nationaux, la réalité des territoires. Nous notons un manque de considération de la part de l'État et nous avons le sentiment d'être des enfants de parents divorcés qui ne s'entendent pas, l'État renvoyant à la gestion départementale et aux financements locaux, tandis que les collectivités critiquent l'État pour son désengagement et son manque d'ambition.
Nous pointons également un manque de transparence en ce qui concerne les coûts, les mécanismes de financement et l'évolution de la qualité du service rendu.
Sur un plan législatif, nous souhaitons depuis 2017 qu'un acte II de loi de modernisation de la sécurité civile (Mosc) soit discuté et voté. Sur un plan réglementaire, il convient de veiller à l'application des décrets de la loi de 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, et de la réforme des retraites.
Nous ne prétendons pas rédiger le sommaire de la loi Mosc 2 mais, selon nous, il est indispensable de créer un secrétariat général à la préparation des populations et à l'organisation de la réponse de sécurité civile, organisme supra ministériel visant à faire changer les arbitrages et à faire en sorte que nous puissions travailler à l'acculturation et à la formation du grand public. Il convient également de veiller à ce que le financement soit efficace pour la population et à replacer les administrés au cœur de la sécurité civile, en tant qu'acteurs et non en tant que consommateurs. Ce secrétariat général devra aussi produire des textes, des normes, anticiper les crises et les nécessaires adaptations.
Sans une évolution du périmètre budgétaire, toutes les solutions que nous pourrions envisager pour les sapeurs-pompiers et les acteurs de la sécurité civile seront vaines, comme nous l'avons vu en 1996 lors de la substitution du cadre communal au cadre départemental.
Quelques pistes doivent être étudiées.
Tout d'abord, la suppression de la TVA sur les carburants, comme pour les services d'État – tel est d'ailleurs déjà le cas pour le matériel flottant des sapeurs-pompiers. Ensuite, le fléchage de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) vers les SDIS, afin d'écarter le dumping auquel se livrent certains départements. Il conviendra d'accompagner cette disposition d'un système de contrôle. Un élu me disait récemment qu'un tel fléchage réduira mécaniquement la contribution départementale aux SDIS. Je songe aussi au dégel de la participation du bloc communal puis, dans un second temps, à l'attribution du financement des SDIS au bloc intercommunal des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Dans le Calvados, par exemple, un apport supplémentaire serait possible. Les élus locaux, et en particulier communaux, pourraient bénéficier d'une meilleure lisibilité et de nouvelles ressources pour financer des réserves communales de sécurité civile et réaliser ainsi leurs plans communaux de sauvegarde.
La question du financement par les régions a été abordée dans le rapport Falco. Il ne serait pas raisonnable de modifier l'équilibre de la gouvernance des SDIS : la région doit pouvoir être un contributeur, notamment s'agissant de la formation.
Il faut également qu'une partie du produit de la taxe de séjour soit « fléché » en direction des SDIS, afin de souligner le lien entre accroissement de la population et augmentation des risques. L'ensemble de la population de la Lozère, au mois de décembre, ne remplirait pas le Stade de France, mais, en été, des millions de touristes visitent ce département. Il en est de même en Ardèche, où nous sommes contraints d'appliquer des dispositifs spécifiques pendant la période estivale.
Il importe de faire participer les assureurs au financement par le biais du coût du sauvé. Il est en effet inadmissible que l'amélioration de la qualité du service, depuis les vingt dernières années, n'ait pas été suivie par une part de financement assurantielle. Je rappelle que la TSCA, prélevée sur les contrats d'assurance automobile depuis 2003, n'est pas l'argent des assureurs, mais celui des assurés.
La pérennisation du pacte capacitaire dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) est une bonne chose. Enfin l'État met la main à la poche pour aider les collectivités ! Je me félicite également du retour du fonds d'investissement pour favoriser la péréquation et réduire les disparités entre les territoires.
Le volet concernant l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp) me paraît fondamental. Cet organisme d'État est financé à hauteur de 16 millions par les collectivités et de 5 millions seulement par l'État. Dès lors, comment parler d'opérateur de l'État ? Un financement plus large permettrait de rehausser le niveau de formation et d'atteindre les objectifs fixés, alors que l'École ne dispose que de 205 équivalents temps plein pour réaliser 100 000 journées de stage. J'invite votre mission d'information à se renseigner sur les pratiques des autres écoles qui, elles, sont intégralement financées par l'État. J'ajoute que l'Ensosp doit avoir plus de moyens pour favoriser l'acculturation européenne de nos officiers et pour développer l'enseignement des langues étrangères. Les Erasmus « sécurité civile » existent déjà, mais les officiers sapeurs-pompiers sont limités par une méconnaissance de la langue anglaise. L'Ensosp doit organiser nos concours et nos examens. Renseignez-vous sur ce que paie l'État à la Fédération nationale des centres de gestion pour l'organisation de ces derniers, alors que l'École pourrait faire mieux tout en consommant moins de crédits ! Enfin, l'Ensosp pourrait être un pôle européen d'excellence en matière de feux de forêt, avec la proximité nîmoise de la base aérienne, du simulateur européen Secoas (Simulateur d'entraînement à la coordination des opérations aériennes de secours) et de l'École d'application de sécurité civile de Valabre.
La création d'un secrétariat général permettrait également de transformer notre direction générale en direction « métier ».
Sur un plan réglementaire, le ministère de la transformation et de la fonction publiques et la direction générale de l'administration et de la fonction publique doivent rapidement travailler à la réforme que nous demandons, en particulier pour le service de santé et de secours médical, qui est le plus mal loti.
Les problèmes d'attractivité s'expliquent en particulier par les procédures de fin de carrière. La bonification de l'ancienneté et la non-portabilité limitent les mobilités et les passerelles, de même que la non-reconnaissance des titres et des diplômes. L'attractivité est un champ de mission en raison, également, de la perte des repères.
Veillons à ce que le ministère de la santé ne favorise pas une concurrence entre les véhicules de liaison infirmiers, qui sont efficaces, et les unités mobiles pré-hospitalières (UMPH) !
L'essoufflement du volontariat s'explique par les sous-effectifs de professionnels. Il est temps d'agir !
Je vous invite à venir en Ardèche pour voir comment les choses se passent s'agissant des véhicules légers infirmiers et de la réponse aux obligations légales de débroussaillement.