D'après son titre, notre commission d'enquête portait « sur les causes de l'incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire. »
Sans revenir en détail sur la controverse concernant les indicateurs, je rappelle que le ministre et vous-même, monsieur le rapporteur, avez admis les limites de deux outils, la quantité de substances actives et le Nodu. Malgré cela, vous avez fait état dans votre présentation d'une absence de résultats probants et la page 36 de votre rapport titre : « Une évolution des usages peu convergente avec la trajectoire de réduction annoncée ».
Le défaut de ces indicateurs, pour faire court, est d'avoir une approche quantitative et non pas qualitative. Page 38, vous écrivez : « Entre 2009 et 2021, la part des quantités de substances actives vendues classées CMR a ainsi diminué de moitié, passant de 29,2 % à 11,3 %. Pour les substances classées CMR 1 – les plus dangereuses, les ventes sont passées de 5 000 tonnes en 2018 à 780 tonnes en 2021, soit une baisse de 85 % sur une période de 4 ans. » Le ministre nous a même indiqué que la baisse était de 93 % depuis 2016.
Malgré cela donc, vous concluez à une absence de résultats probants. C'est un premier élément qui rend difficile notre soutien au rapport : tout ce qu'on va en retenir, c'est que les efforts de réduction de l'usage de produits phytosanitaires ont conduit à un échec, alors que l'agriculture française a accompli la performance de réduire de 93 % l'usage des substances classées CMR 1 – à l'effet cancérigène avéré – depuis 2016. Ces efforts et ces sacrifices considérables vont être occultés par les conclusions de votre rapport.
Les plans Écophyto n'ont pas permis la réduction de l'usage des substances classées CMR 1, dites-vous. C'est parce que ces plans, comme le Grenelle de l'environnement, se réfèrent à un indicateur, le Nodu, qui ne prend pas en compte l'aspect qualitatif, la problématique particulière de certains produits. Dans le rapport, vous répétez l'erreur qui consiste à englober tous les produits chimiques, quelle que soit leur problématique, dans cet objectif de réduction de 50 % de l'usage des produits phytosanitaires, sans faire cas de leur éventuelle appartenance à la liste des substances classées CMR. Prenons le problème dans l'autre sens : si nous n'avions gardé que les produits classés CMR et supprimé tous les autres, l'objectif de baisse de 50 % aurait été atteint, ce qui signifie que nous aurions gagné la bataille en gardant les produits les plus dangereux. Après six mois de débats durant lesquels nous n'avons cessé de soulever ce problème, je regrette qu'on aboutisse à un rapport qui cite ces éléments tout en concluant à une absence de résultats probants.
Comme le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire d'ailleurs, je me suis demandé pourquoi l'agriculture serait le seul secteur d'activité à ne pas pouvoir utiliser de produits chimiques. À l'instar d'une certaine gauche, vous avez, vous, pris le parti de sortir du chimique, même s'il n'est pas dangereux. Au cours des auditions, nous avons entendu des interventions assez surprenantes. Le représentant de la Fondation pour la nature et l'homme a déclaré qu'il n'était pas question d'aller vers des substances chimiques, même si elles sont plus vertueuses, ni vers des biocontrôles. Benoît Biteau, député européen écologiste, nous a dit qu'il était hors de question de remplacer le chimique par la robotique. Bref nous sommes confrontés à une certaine gauche, suivie par une part de la majorité, qui est hostile au progrès technique et veut en revenir à une agriculture assez précaire, niant le défi considérable de la souveraineté alimentaire. La capacité de notre pays à assurer l'alimentation de sa population semble secondaire. C'est pourtant une question fondamentale, à laquelle vous refusez de répondre.
En revanche, vous abordez les distorsions de concurrence de façon intéressante, en faisant l'effort de proposer des solutions. Leur application semble utopique sans une remise en cause du système européen actuel, mais elles ont le mérite d'exister.
S'agissant de l'Anses, nous sommes en total désaccord. Page 81, vous écrivez : « Le principe même d'une évaluation bénéfices-risques suppose que les deux dimensions soient évaluées au sein d'une même entité. » Vous défendez ici la double compétence de l'Anses. Or le principe même d'une évaluation bénéfices-risques est de conduire à une décision de nature politique. Mme Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée du pôle Produits réglementés à l'Anses, nous a clairement indiqué n'avoir pas la marge de manœuvre pour faire une telle évaluation. Contrairement à ce que vient de dire le président, j'estime que vous fermez la porte à une remise en cause du statut actuel de l'Anses, que vous ne voulez pas voir évoluer. Vous citez même, pour la contester, la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée en première lecture au Sénat, prévoyant une récupération de la décision par l'autorité politique. Dites-nous si vous êtes prêt, oui ou non, à une quelconque remise en cause du statut de l'Anses. Ce point peut rendre difficile l'approbation du rapport.