Si nous voulons réussir à avoir une alimentation accessible et diversifiée pour tout le monde, il faut intégrer l'idée selon laquelle une production qui demande beaucoup de financement parviendra difficilement aux résultats attendus : diversité, accessibilité financière pour le plus grand nombre et garantie de revenus pour les agriculteurs. On ne peut pas continuer à demander aux agriculteurs d'avoir des besoins de financement pour créer une exploitation et produire, sans lier ces sujets à notre capacité à leur offrir un prix à l'autre bout.
Ma stratégie en matière d'agroécologie a toujours été de privilégier la baisse de besoin de financement, d'utiliser ce que la nature nous offre gratuitement. C'est pour cela qu'en matière d'agriculture de précision, si l'on demande aux agriculteurs d'investir dans de nouveaux outils, alors on reste pris au piège de la pompe à emprunt. Les GIEE constituent de ce point de vue une solution économique, écologique et sociale au problème posé par le risque et la difficulté des choix à opérer. Le GIEE est une force de frappe. C'est ce qu'illustre l'exemple de Jean-Claude Sabin, lorsqu'il démarre sa production de colza dans le cadre de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et pour qui cela a été profitable. L'intégration de protéines végétales et de légumineuses à des opérations de rotation permet à la fois de nourrir un élevage de manière autonome et de stocker de l'azote dans les sols, ce qui évite en outre à la France d'importer de l'azote minéral. La réflexion au niveau du GIEE ouvre cette perspective, qui serait extrêmement risquée au niveau de l'exploitation individuelle. C'est ainsi que nous atteindrons nos objectifs écologiques, sociaux, en matière de souveraineté et de revenus.
Le non-renouvellement de molécules a parfois des raisons économiques, lorsque le débouché est trop étroit pour les entreprises, qui préfèrent s'en délester. Cela peut conduire, mécaniquement, à la disparition de molécules dangereuses.
La réglementation européenne permet de réduire la distorsion de concurrence et d'éviter que les pays membres s'accusent mutuellement de triche en la matière. L'UE a donc une responsabilité en matière d'harmonisation réglementaire et l'exemple du biocontrôle mentionné par Dominique Potier l'illustre. C'est pour la même raison que j'avais refusé que les pays choisissent leurs critères quand il s'agissait du verdissement de la PAC, car cela aurait introduit de la distorsion de concurrence.
La PAC est votée en 2013 et mise en œuvre en 2014. Or entre 2013 et 2014 survient quelque chose que je n'avais pas anticipé : le refus d'apurement des aides PAC par l'UE, qui considère qu'il y a eu une erreur dans le calcul des surfaces éligibles. Il est question de trois milliards d'euros, que nous négocions à la baisse pour atteindre un milliard d'euros, en contrepartie du renouvellement de l'orthophotographie complète des exploitations françaises. Ce processus nous a coûté énormément de temps. Et ce retard a mis beaucoup de pression sur les paiements du premier pilier de la PAC, qui ont été reportés sur les paiements du deuxième pilier, les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), et sur les exploitations en agriculture biologique. Nous étions dans une course dont l'issue pouvait être apocalyptique, si l'on n'arrivait pas verser les paiements du premier pilier. Cela explique la difficulté de la mise en œuvre de la PAC.