Si j'étais taquin, je vous répondrais que la conditionnalité des aides de la PAC est pour tout le monde. Dès lors, comment quantifier ? Pourquoi parler de 600 millions plutôt que de 100 millions ou 7 milliards ? Comment comptabiliser le fait de favoriser le système herbager ? En comptant un ratio, une part de l'aide au maintien de la surface herbagère ? Et les mesures concernant les haies, quelle part en affecter à l'atteinte des objectifs phyto, des objectifs carbone, des objectifs de biodiversité ? Mieux vaut essayer de faire en sorte que la PAC contribue bien aux objectifs que nous nous fixons – de fait, il me semble qu'elle est plutôt sur cette trajectoire.
Ce que vous dites de l'anticipation correspond exactement à ce que nous essayons de changer dans Écophyto 2030. En ce qui concerne le S-métolachlore – qui a fait l'objet d'une controverse avec M. Potier –, soit on respecte les décisions de l'Anses, soit non. Au printemps, l'Anses a pris la décision éclairée d'interdire les produits. L'Efsa a dit la même chose. Que l'on ne nous reproche pas ensuite de dire que l'Anses a été trop lente, ou alors il faut challenger l'agence en permanence, et c'est un autre débat. C'est bien pour anticiper que nous travaillons en task force, pour examiner les questions qui se posent à propos d'une molécule, même lorsqu'on n'a pas encore la réponse.
Quant aux moyens, je rappelle que nous mettons 250 millions par an en plus des 70 millions venant de la RPD. À ce propos, il faut vérifier que les montants servent bien la trajectoire : il n'est pas illégitime que les agriculteurs se demandent à quoi vont les 110 millions restants de RPD. En tout cas, il ne s'agit pas de quelques millions : en plus de ce qui relève de la PAC, ce montant est spécifiquement destiné à la réduction des phyto.
Je maintiens que des interdictions sans anticipation créent des problèmes de souveraineté. Bien que le prix de la betterave soit aujourd'hui élevé, donc incitatif comme au temps des quotas, les betteraviers que je rencontre – des vraies gens – ne veulent pas risquer de perdre 40 % de leur récolte à cause de la jaunisse. Je le répète, il n'y a pas de modèle économique qui tienne dans ces conditions. Je parle d'économie classique, pas hyperlibérale. Si on perd de l'argent tous les ans, on va cultiver autre chose ; c'est normal. La sole betteravière a baissé de plusieurs dizaines de milliers d'hectares. L'enjeu principal n'est pas la rémunération, mais l'impasse technique. Dans certains départements, des agriculteurs ont perdu 80 % de leur production de cerises à cause de la drosophile. Et qui va payer ? Le consommateur ? Il va débourser 50 euros le kilo parce que la récolte est toute rabougrie ? Il faut des moyens de lutte – qui peuvent être des solutions de biocontrôle – pour se préserver des fluctuations de prix. L'inflation, cette année, du prix de l'huile d'olive, des oranges ou du sucre vient ou d'impasses techniques ou du dérèglement climatique. Vous voyez que l'on peut citer des exemples concrets – mais je n'en fais pas une généralité. On peut trouver des moyens de réduire l'usage des produits tout en préservant notre souveraineté et notre compétitivité ; en tout cas, ce dernier mot ne me choque pas.
En ce qui concerne la question de Mme Le Peih, les robots sont des outils importants, une des voies à emprunter, que nous finançons en partie par France 2030. Dans les secteurs évoqués, ils permettent de réduire de 60 % à 80 % l'utilisation des phyto.
Quant aux solutions de lutte contre les parasites comme la punaise diabolique, il y a beaucoup de fantasmes, sur le thème « j'ai vu quelqu'un qui a vu quelqu'un qui a vu quelqu'un en Italie qui lui a dit que telle molécule… » – et lorsqu'on y regarde de plus près, ce n'est généralement pas tout à fait ça ; la molécule mentionnée est interdite, par exemple ; le produit n'existe plus depuis longtemps dans le pays cité. Sans parler des fraudes, qui sont un autre sujet. Bien sûr, quand nous pouvons activer des dérogations, nous le faisons pour ne pas laisser les gens dans l'impasse.