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Intervention de Marc Fesneau

Réunion du jeudi 16 novembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Marc Fesneau, ministre :

Madame Thomin, j'imagine que vous posez la question de la vulnérabilité des périmètres de protection des captages ou des captages hors inondations. En cas de phénomène cataclysmique, comme les 200 millimètres de précipitations en cinq jours dans le Pas-de-Calais, on ne peut pas garantir tout à tout le monde, tout le temps. Cela ne résoudrait peut-être pas les problèmes d'inondation mais, dans un cycle d'alternance entre trop d'eau et pas assez, la question des retenues se pose, en veillant à ne pas obérer les nappes.

L'axe 3 du plan Écophyto 2030 traite de la protection des aires de captage dans le cadre des changements de pratiques – recours aux haies, réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, part du bio. Il prévoit une surveillance régulière et un guide de gestion, sachant que les périmètres de protection des captages concernent des millions d'hectares, largement au-delà des châteaux d'eau et des forages. La question doit donc être traitée au niveau des territoires, par des mesures de réduction.

Pour ce qui est des Maec, le résultat n'est pas nécessairement moins bon lorsque c'est l'État qui agit. En tant qu'élu municipal, régional, communautaire, je suis à l'aise pour le dire : j'ai vu des politiques publiques mal déployées par des collectivités territoriales. Personne n'est parfait, ni à l'échelle nationale, ni au niveau déconcentré. Que ce soit tellement mieux quand les collectivités s'en occupent est une fable discutable – mais peut-être le Loir-et-Cher ne se distingue-t-il pas dans ce domaine ? Je fais confiance aux collectivités, qui peuvent être embarquées sur de nombreuses questions, dont celle des captages, mais s'agissant des Maec, il n'y a pas de débat entre l'État et la région, même si la question a pu se poser pour les mesures dites surfaciques.

On donne aux Maec les mêmes moyens que dans la période précédente mais, comme on l'a toujours fait pour les politiques agricoles, on ne reconduit pas les mesures à l'identique. Ces mesures viennent compenser des pertes liées aux changements de pratiques demandés : une fois que le changement est acté sur cinq ou dix ans, on relève les exigences. Sinon, on reste dans un statu quo qui n'est pas souhaitable pour la trajectoire de réduction des phytos.

Nous travaillons à combler certaines lacunes, mais on ne peut pas simplement réclamer 500 millions que l'on considère comme manquants ; il faut faire preuve de responsabilité budgétaire. Nous expertisons notamment les engagements pris par les agences de l'eau : 70 millions par an permettraient de résoudre une grande partie de la question. Certaines régions, comme les Pays de la Loire ou le Centre, n'ont pas débordé leur enveloppe ; la Bretagne l'a presque doublée par rapport à la précédente programmation. Je ne lui en fais pas grief, mais essayons de travailler ensemble à des solutions financières sans « y a qu'à, faut qu'on ». Il est un peu compliqué d'aller chercher 350 millions sachant que l'augmentation des crédits de l'agriculture dédiés à la planification écologique atteint 1,3 milliard – on me l'a presque reproché lors de mon audition au Sénat.

Ce qui a changé, s'agissant du glyphosate, c'est que son utilisation a été réduite de 30 %. Nous avons étudié ce qu'en dit l'Efsa, qui est à l'origine de la proposition de la Commission et qui s'inspire aussi de travaux de l'Anses. Malgré tout, ces éléments nouveaux ne nous ont pas empêchés d'essayer de trouver une trajectoire de réduction du glyphosate.

La position de la France est de dire qu'on ne peut pas interdire entièrement le glyphosate car on constate de vraies impasses dans certains cas. Bien des solutions de réduction existent, qui ne passent pas par une baisse de la compétitivité. Depuis très longtemps, les communes ont réduit les usages dans les espaces communaux et privés. Le risque est d'ailleurs davantage présent dans cette sphère, car les usagers sont souvent mal renseignés sur la façon dont il faut appliquer les produits.

Monsieur de Fournas, il faut que l'Anses puisse travailler dans une logique de responsabilité. Sur le prosulfocarbe, elle a mené un travail intelligent d'évolution des pratiques et de prescription d'usages, qui permet de réduire sans interdire. Croyez-le, l'Anses évalue globalement les effets des molécules ; elle l'a fait dans ce cas. Il me semble donc que, nonobstant la spécificité de son modèle relevée par le président Descrozaille, revenir dessus serait une erreur. À la fin, les dérogations sont une décision politique. Les discussions sur les usages, pour réduire les effets nocifs, comme la volatilité du prosulfocarbe, sont un travail technique mené avec les instituts. En l'occurrence, nous avons défini une trajectoire de réduction des usages et de limitation des contraintes que subissent les voisins. La méthode me paraît plutôt bonne.

Je vois bien les effets de bord des indicateurs, Nodu et autres IFT, mais ce sont ceux qui ont été choisis il y a une dizaine d'années pour quantifier une trajectoire ; on ne peut pas les faire évoluer en plein milieu. Je ne vois d'ailleurs pas quel autre modèle permettrait de quantifier la réduction devant l'opinion publique, les agriculteurs et la puissance publique.

Il est exact que, dans certains cas, les interdictions dégradent notre souveraineté. La réduction de l'utilisation des phyto nous amène à changer du tout au tout un modèle qui avait prouvé son caractère performant : une maladie, un produit – en préventif ou en curatif. Il ne faut pas faire grief aux seuls agriculteurs de l'avoir utilisé : tout le monde devrait étudier les raisons pour lesquelles on l'a fait à l'époque. Toujours est-il qu'on en connaît les conséquences sur les captages, dont les ONG, mais aussi les collectivités et les citoyens demandent la protection. Si on ne veut pas que ce changement crée des impasses, y compris économiques – je suis très vigilant sur ce point –, il faut non seulement accompagner les transitions, mais les anticiper.

Il n'y a rien de pire que ce que l'on a fait pour la cerise – ça continue de m'énerver tous les jours. Des producteurs me demandent encore pourquoi nous avons interdit un produit qui marchait ; c'était tout simplement parce que c'était un cancérigène avéré. Je ne reviendrai pas sur cette interdiction au nom de la souveraineté. Mais si, il y a dix ans, on avait cherché des solutions alternatives contre la drosophile suzukii, cela aurait été préférable. Ce sont ces situations-là qui ont des conséquences sur la souveraineté.

De même, on a lu à longueur de tribune qu'il existait des alternatives aux néonics. À la vérité, aujourd'hui, on n'a pas de solution totalement opérante face à la jaunisse – je dis bien « totalement ». Il y a peu de métiers où on dise aux professionnels : « Vous allez perdre 30 % de votre production cette année, mais ce n'est pas grave, le modèle va tenir ! » Non, il ne tiendra pas ! Aucune entreprise ne peut supporter une baisse de production erratique – jusqu'à 60 % en 2020. Cela fait s'effondrer le système économique. C'est ce qu'il faut éviter – sur ce point, je suis d'accord avec vous – en anticipant.

De ce point de vue, le plan national de recherche et d'innovation (PNRI) betteraves est exemplaire : pour le faire, on a mis tout le monde autour de la table, notamment tous les acteurs de la chaîne.

Parfois, il existe effectivement un surcoût, en raison d'exigences supplémentaires. Sur ce point, il y a un débat à avoir au sujet de la chaîne de valeur. Les grands distributeurs et les transformateurs ont leur part de responsabilité. Le coût des nouvelles exigences ne peut pas être à la charge des seuls agriculteurs ; ce n'est d'ailleurs pas l'objectif de la loi Egalim. Il faut un débat dans l'opinion publique et que, en responsabilité, on dise que la qualité a un coût, donc un prix. Je ne sous-estime pas les problèmes de pouvoir d'achat de nos compatriotes ; c'est un autre sujet, social, qu'il faut également traiter. Mais la grande distribution et certains opérateurs nous ont vendu l'idée que le bon prix était le prix le plus bas. La compétitivité ? Nous faisons une agriculture différente de celle de la plupart des autres pays. Mon compétiteur n'est pas le Brésil, mais nos voisins européens. Dans cette affaire, il faut toujours poser la question de la rémunération. On me dit que ce n'est pas grave, que les consommateurs paieront, mais la grande distribution ne joue pas le jeu.

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