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Intervention de Lionel Mathieu

Réunion du jeudi 2 novembre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Lionel Mathieu, commandant du bataillon de marins-pompiers de Marseille :

Le BMPM a pour spécificité d'être une unité militaire placée sous l'autorité d'un maire dans le cadre de ses attributions en matière de secours et de défense contre l'incendie. La BSPP est une unité militaire elle aussi, avec laquelle nous partageons les valeurs de réactivité, disponibilité et neutralité politique – je rappelle qu'il n'y a pas de syndicat dans les unités militaires –, mais elle est placée sous l'autorité du préfet de police de Paris et n'a donc pas un lien aussi direct que celui du BMPM avec la municipalité et son exécutif.

Le bataillon est la plus grande unité de la marine nationale. Il assure la défense d'une ville dont la superficie est deux fois plus étendue que celle de la capitale et qui cumule une gamme étendue de risques urbains, technologiques, maritimes, ainsi que ceux liés aux feux de forêt.

Ses missions varient selon le périmètre géographique considéré. En effet, si le bataillon agit très majoritairement pour la ville de Marseille, il agit également pour la zone de défense et de sécurité Sud et, en certaines circonstances, au niveau national et international. Pour répondre à la demande opérationnelle, le bataillon dispose aujourd'hui de dix-sept centres d'incendie et de secours intra-muros, dont la répartition géographique permet d'apporter une réponse opérationnelle en tout point de la ville en moins de dix minutes, et de quatre centres situés hors des frontières communales pour la défense de l'aéroport de Marignane, du port de Fos-sur-Mer et du site d'Airbus Helicopters.

96 % des 2 600 personnels du bataillon sont militaires et 80 % d'entre eux sont des marins-pompiers. Notre rythme de fonctionnement permet, en cas d'événement majeur, de compléter rapidement nos forces en faisant appel à des personnels d'astreinte. La situation en termes d'effectifs est globalement satisfaisante. Toutefois, nous faisons face, d'une part, à une tension opérationnelle pour certaines activités, notamment pendant la campagne des feux de forêt et, d'autre part, à une tension en gestion car, bien que le bataillon soit comme la BSPP une unité attractive, nous sommes confrontés à un flux de départs de personnels contractuels concernant les hommes du rang et les officiers mariniers. Nous sommes particulièrement attentifs à ce dernier point, qui est l'une des principales difficultés du bataillon.

Dans la commune de Marseille, près de 80 % des 128 000 interventions réalisées au cours de l'année 2022, avec en moyenne 350 interventions par jour, ont été consacrées au secours à personne. Marseille est en effet une ville où l'offre de soins est déficitaire et dont une partie de la population est défavorisée. Avec un taux de 141 interventions pour 1 000 habitants, alors que le taux moyen au niveau national est de 66 interventions pour 1 000 habitants, nous sommes en tête des services de secours en France. Notre activité courante est en hausse continue : l'année 2022, dont une partie a pourtant été marquée par la crise sanitaire, a connu une hausse de 2 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. J'anticipe la poursuite de cette hausse dans les années à venir, la ville de Marseille étant une destination de plus en plus attractive, à la fois pour de nouveaux résidents et pour des touristes.

Chaque année, nous intervenons en renfort une vingtaine de fois au profit de la zone de défense Sud. Dans le département des Bouches-du-Rhône, ces interventions sont régies par les dispositions communes du règlement opérationnel départemental et par la convention d'aide mutuelle entre le BMPM et le département. Dans les autres départements, le cadre général Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), qui prévoit une mobilisation par les centres opérationnels des zones de défense et de sécurité, est applicable.

Notre stratégie de lutte contre les feux de forêts repose sur une attaque rapide et massive des feux naissants. Elle implique donc un effort conséquent de surveillance des massifs à risque, afin d'agir au plus vite sur le moindre départ et d'éviter toute propagation. Cette stratégie a été conçue en stricte application de la doctrine nationale, mais prend en compte le contexte particulier de la commune, sur le territoire de laquelle l'interface entre la forêt et les habitations s'étend sur 56 kilomètres. Tout départ de feu de forêt prenant de l'ampleur peut donc avoir des conséquences importantes pour la ville. La campagne des feux de forêt dure en moyenne trois mois. Pendant cette période, en plus des 350 marins-pompiers veillant normalement sur la ville, 170 militaires supplémentaires sont consacrés à l'armement du dispositif de lutte contre les feux de forêt, qui compte jusqu'à 47 camions pouvant être déployés au plus près des massifs, ainsi que deux hélicoptères bombardiers d'eau loués durant la période estivale. Nous pouvons mobiliser au pic de la saison estivale un effectif total de 668 marins-pompiers, dont 150 sous un délai d'une heure. Outre nos capacités propres, nous pouvons nous appuyer sur des moyens nationaux, notamment aéronautiques, mobilisables dans le cadre zonal et dans le cadre national, pour la détection et l'attaque des feux naissants par des guets aériens, ou pour l'attaque massive de feux déjà établis, avec un dispositif de lutte terrestre combinée à des avions de type Canadair.

Depuis quelques années, nous sommes confrontés à une évolution des paradigmes de la sécurité civile, dont les répercussions, aussi bien sur notre structure que sur l'emploi de nos moyens, sont majeures. En moins d'une décennie, nous avons connu l'intensification de la menace terroriste, une crise sanitaire sans précédent et le retour de la guerre aux frontières de l'Europe. Ces événements nous exposent à un ensemble de menaces protéiformes – menaces nouvelles ou menaces remises sur le devant de la scène – qui dépassent le cadre classique du secours et des incendies et imposent des réponses dimensionnées.

L'exercice Odoma (pour « ordre départemental opération menace attentats »), mis en place dès 2015, prévoit l'adaptation des postures en cas de survenance d'un attentat, notamment la montée en puissance des services de secours et d'aide médicale urgente. La Capinav (pour « capacité nationale de renfort pour l'intervention à bord des navires ») a été développée en 2016. Nous sommes chargés de la préparation opérationnelle de cette capacité mise à disposition des préfets maritimes pour les sinistres en mer et des préfets de département pour les navires à quai. Elle permet de répondre à de multiples situations : incendie, pollution ou collision entre navires, par exemple. Elle permet également de mener des opérations de contre-terrorisme maritime, avec ou sans volet nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), et de répondre à divers besoins d'expertise. Cette capacité se matérialise par la projection en moins de deux heures d'une équipe de quarante marins-pompiers spécialistes des feux de navires, de l'urgence médicale ou des risques technologiques, aux niveaux local, zonal et national, dans les territoires métropolitains et ultramarins. Dans le cadre de ces deux dispositifs, le statut militaire des marins-pompiers et leur préparation opérationnelle leur permettent de mener des actions de secours d'urgence en milieu non permissif, c'est-à-dire soumis à une menace balistique ou d'une autre nature. Les marins-pompiers interviennent alors armés. Cette singularité dans le paysage de la sécurité civile, que nous partageons avec les forces d'intervention de la sécurité intérieure et les forces spéciales des armées, est une nécessité qui nous oblige à réaliser des opérations d'entraînement importantes.

Notre groupement nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC) a été créé en réaction à la crise sanitaire. Nous avons capitalisé sur des capacités militaires et de sécurité civile déjà éprouvées. Il nous permet de fournir à l'État une grande réactivité dans l'acquisition de réactifs adaptés à la surveillance de tout pathogène d'intérêt sanitaire détecté dans le monde. Notre laboratoire mobile offre une protection face aux pathogènes les plus dangereux et offre à la sécurité civile française une capacité souveraine dans la détection des agents biologiques, ainsi qu'un appui sur tout le territoire pour la biosécurisation d'un site ou la gestion d'une crise sanitaire.

L'accentuation de la menace nucléaire et énergétique avec la guerre en Ukraine impose une adaptation et une préparation des forces de sécurité civile. L'évolution rapide des technologies, notamment celles de propulsion, crée de nouveaux risques, comme celui représenté par les feux de batterie de véhicules électriques, auquel nous sommes particulièrement attentifs. Enfin, le changement climatique a déjà des répercussions sur notre quotidien. Nous avons pu le constater sur tout le territoire cet été et, surtout, l'été précédent. Le bataillon et les services d'incendie du Sud-Est sont préparés au risque de feux de forêt, mais les évolutions liées au changement climatique nous obligent à une vigilance nouvelle, doublée d'une nécessaire coopération zonale, voire nationale, car certains territoires, jusqu'alors peu ou pas concernés, sont désormais menacés par les feux de forêt.

L'adaptation de notre unité à ce contexte d'augmentation et de diversification des risques impose une évolution de nos moyens matériels – avec une augmentation du nombre d'engins, toujours plus spécialisés et plus coûteux – et humains, pour lesquels la formation et le maintien des acquis représentent un enjeu majeur. Elle demande également des moyens budgétaires pour leur financement. Face à cette évolution vers toujours davantage de moyens, la place du citoyen comme acteur de la sécurité civile et la prévention des risques de toute nature doivent être renforcées.

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