Le texte le plus préjudiciable au Samu est la loi Matras, qui prévoit une évolution des missions des secours et des ambulanciers. Sur ce point, le texte est tout à fait positif, car il donne aux professionnels la capacité de délivrer des actes de soins qu'ils ne pouvaient pas effectuer jusqu'alors. Cependant, cette loi ouvre la porte à la possibilité d'intervenir sans le Samu, ce qui me paraît très contestable. C'est pourquoi j'ai insisté sur la nécessité de respecter le rôle de chacun. En l'état, le texte de loi précise que les interventions doivent être réalisées sous la coordination du Samu ou d'un médecin présent. Cette disposition suggère que la présence du Samu n'est plus systématique dans tous les territoires, et qu'un médecin sapeur-pompier peut prendre les décisions. Cela reviendrait à créer une seconde régulation, alors qu'il existe déjà un premier dispositif performant.
Une autre mesure prévue par la loi Matras me paraît aussi très fragile : l'expérimentation du numéro unique. Il s'agit d'une volonté présidentielle, qui fait l'objet de fortes tensions entre services interministériels. Toute la question est de savoir quel service doit être en charge d'un appel présentant une dimension sanitaire importante. Par exemple, un appel pour un arrêt cardiaque est réceptionné sur une plateforme unique. Or, le ministre de l'intérieur souhaiterait que cet appel soit reçu en première instance par les pompiers, qui ont la capacité d'intervenir plus rapidement. Pour notre part, nous considérons que toute situation d'urgence vitale présentant une dimension sanitaire évidente doit impérativement être dirigée en premier lieu vers les professionnels de santé. De fait, les assistants de régulation médicale sont à même d'identifier beaucoup plus rapidement l'urgence vitale, de la qualifier et de donner, s'il y a lieu, les conseils d'accompagnement sur les premiers gestes de secours. En outre, ils sont parfaitement capables de déclencher un départ rapide des pompiers.
Il faut savoir que la mise en place d'un numéro unique n'est pas forcément une réussite dans tous les pays. En tout état de cause, la régulation médicale est une spécificité du modèle français. Elle doit être impérativement préservée, pour éviter toute perte de chance pour le patient.
De prime abord, le texte de la loi Matras semble orienté vers la recherche d'une meilleure performance. Néanmoins, sa déclinaison locale pose problème quant au respect des expertises spécifiques des différents acteurs. Or, l'État n'a aucun intérêt à fragiliser la régulation médicale, ni l'expertise des structures de sécurité civile.