Il recèle également un fort potentiel s'agissant des terres rares. Le Kazakhstan est également notre cinquante-huitième client. Beaucoup de nos grandes entreprises y sont implantées – TotalEnergies, bien sûr, mais aussi Lactalis, Decathlon, Alstom et Thales – et ces partenariats ont vocation à se développer.
Le Kazakhstan est aussi, quoique plus modestement, un partenaire en matière culturelle : quatre alliances françaises fonctionnent dans ce pays ; une école est déjà ouverte et une deuxième ouvrira très prochainement.
En matière judiciaire – le sujet de notre discussion –, en dehors des conventions qu'a évoquées Mme la secrétaire d'État, la coopération, limitée et impulsée surtout par le Kazakhstan, fonctionne sur les principes de la réciprocité et de la courtoisie internationale. Cette situation n'est pas satisfaisante et nous avons tout intérêt à signer une convention protectrice, même s'il faut reconnaître que l'intérêt d'un traité est plus élevé pour le Kazakhstan que pour nous, au regard du nombre de demandes d'entraide depuis treize ans : neuf pour la France, vingt-neuf pour le Kazakhstan. C'est ce dernier qui a insisté pour obtenir un traité, à plusieurs reprises depuis 2017. Après un premier refus, la France a finalement accepté d'engager les négociations.
Indépendamment des considérations politiques que j'ai évoquées, la convention présente un intérêt du point de vue de la lutte contre la délinquance économique et financière. En effet, les conventions ont toujours un effet préventif : ceux qui blanchissent de l'argent ont intérêt à investir dans des pays n'ayant pas signé des conventions d'entraide judiciaire. La France est, à ce titre, exposée ; il est donc prudent de signer un traité.
Ce traité – je ne reviens pas sur le contenu de ses trente-deux articles, détaillé dans mon rapport – définit un champ de coopération très large, tout en excluant l'extradition et le transfert des personnes condamnées. De manière classique, il prévoit les différentes demandes pouvant être faites par le biais de commissions rogatoires ou de dénonciations de faits, et insiste sur plusieurs techniques modernes de coopération : les auditions par vidéoconférence, les demandes d'informations en matière bancaire, les saisies et confiscations, et ainsi de suite.
Il est important d'accompagner les pays qui vont dans la bonne direction, mais ce traité – vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État – présente surtout de nombreuses garanties pour la France. L'article 2 autorise ainsi une marge d'appréciation très large s'agissant des demandes qui pourraient nous être adressées si nous ratifions le traité. En effet, outre les motifs de refus, il y a également le fait que les demandes sont transmises d'autorité centrale à autorité centrale : contrairement à la plupart des conventions avec les pays européens ou d'autres pays dont les standards juridiques sont proches des nôtres, le traité ne prévoit pas la possibilité, en cas d'urgence, de transmission directe de juge à juge.
Ces protections étaient nécessaires. Certes, depuis 2019 et surtout depuis 2022, le Kazakhstan s'est engagé dans un programme de réformes et dans un dialogue avec l'Europe en matière de droits humains. Cependant, le président y conserve un pouvoir fort pour ne pas dire autoritaire, la corruption y existe encore et la situation des droits humains n'y est pas satisfaisante, en particulier pour les femmes. Je l'ai dit en commission, le débat est vif sur ces sujets : les réformes prennent du temps, car on ne peut changer instantanément la culture des habitants d'un pays, et nécessitent un accompagnement socio-culturel.
En conclusion de mon propos, je veux souligner que le traité emporte peu de conséquences juridiques et administratives directes pour la France. En effet, ses stipulations sont déjà prévues dans notre droit interne, à la suite de transpositions du droit européen. En outre, le nombre de demandes devrait rester raisonnable, même s'il peut augmenter dans les années à venir du fait de la signature d'une convention plus précise et plus protectrice.
Je comprends les réserves qu'on peut avoir s'agissant du respect de l'État de droit, mais n'oublions pas que l'Europe et le Kazakhstan ne partaient pas du même point. Au regard des enjeux de lutte contre la criminalité et de l'intérêt politique que ce traité représente, mais aussi des garanties qu'il apporte, je voudrais vous convaincre de voter sa ratification, qui paraît opportune. Je précise que le traité a déjà été ratifié par le Kazakhstan au mois de février dernier.