J'ai l'honneur de présenter le projet de loi autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé le 28 octobre 2021 à Astana.
Cela fait longtemps que la France et le Kazakhstan tissent des liens d'amitié et de confiance à travers de nombreux échanges politiques, économiques et humains. Notre pays a ainsi compté parmi les premiers États à établir, dès janvier 1992, des relations diplomatiques avec le Kazakhstan nouvellement indépendant, et François Mitterrand a été le premier chef d'État européen à s'y rendre en septembre 1993. Le traité de partenariat stratégique conclu en 2008, dont cette année marque le quinzième anniversaire, est le reflet de la relation que nous avons construite avec le Kazakhstan. Le 1er novembre dernier, la visite du Président de la République à Astana a permis de confirmer la vigueur de ce partenariat et de renforcer encore les convergences entre nos deux pays.
La France et le Kazakhstan partagent d'abord un même attachement au multilatéralisme, au respect de la Charte des Nations unies et à un ordre international fondé sur le droit et sur le respect de l'intégrité territoriale des États. Cet attachement se traduit aujourd'hui dans les prises de position courageuses du Kazakhstan à l'égard de l'invasion russe en Ukraine, y compris s'agissant de la lutte contre le contournement des sanctions. Nos convergences se manifestent également sur le plan des enjeux globaux que représentent la lutte contre le changement climatique et la gestion des ressources en eau.
En outre, le partenariat entre la France et le Kazakhstan s'incarne dans des projets à la fois ambitieux et structurants, en matière économique bien sûr, mais aussi dans bien d'autres domaines, de la transition énergétique à la défense en passant par l'agriculture, la santé, l'enseignement et la recherche. Notre partenariat s'exprime aussi dans un cadre européen, notamment à travers l'accord de partenariat et de coopération renforcé entre l'Union européenne et le Kazakhstan signé en 2015 et entré en vigueur en 2020.
Depuis son accession au pouvoir en 2019, le président du Kazakhstan a engagé une politique de réformes que la France et l'Union européenne s'emploient à accompagner. En effet, à la suite des événements qui ont secoué le pays en janvier 2022, le président Tokaïev a marqué sa volonté de procéder à une modernisation de la vie politique et économique du pays afin de répondre aux aspirations de la population à davantage de transparence et de justice sociale. Cette politique de réformes s'est notamment traduite par l'abolition de la peine de mort.
Notre démarche, qu'elle soit nationale ou européenne, vise donc à appuyer cette trajectoire de réformes, de démocratisation, de renforcement de l'État de droit et de protection des droits de l'homme, et nous tâchons de nous doter du cadre institutionnel et des leviers nécessaires à cet effet. C'est le sens du partenariat stratégique, qui nous permet d'entretenir un dialogue confiant avec les autorités kazakhstanaises pour aborder tous les sujets, en toute franchise. C'est aussi l'une des finalités du traité d'entraide judiciaire en matière pénale qui vous est soumis aujourd'hui.
Le traité d'entraide vient utilement compléter le tissu conventionnel avec ce pays dans le domaine judiciaire. La France et le Kazakhstan sont d'ores et déjà parties à plusieurs conventions multilatérales adoptées sous l'égide des Nations unies : je pense par exemple à la convention unique sur les stupéfiants, à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988, ou encore à la convention contre la corruption.
Sur le plan bilatéral, la France et le Kazakhstan sont liés par les stipulations de l'accord relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité et de l'accord relatif à la lutte contre la corruption, tous deux signés à Astana en 2009. La France a adressé à ce titre, depuis 2012, neuf demandes d'entraide pénale internationale au Kazakhstan, dont six sont toujours en cours d'exécution. Ajoutons qu'aucune dénonciation officielle en vue du transfert d'une procédure pénale d'un État à un autre aux fins de délégation de poursuites n'a été adressée par les autorités françaises aux autorités kazakhstanaises.
Sur la même période, le Kazakhstan a adressé vingt-neuf demandes d'entraide pénale internationale, portant majoritairement sur des infractions à caractère économique et financier. Quinze d'entre elles sont toujours en cours d'exécution. Deux dénonciations officielles aux fins de poursuite ont également été adressées aux autorités françaises par les autorités kazakhstanaises. L'une d'entre elles est toujours en cours.
Ce nouveau traité entre la France et le Kazakhstan comprend deux principaux objectifs : faciliter la coopération judiciaire en matière pénale en créant les conditions juridiques permettant de mettre en œuvre une coopération rapide et fluide ; garantir le respect des droits fondamentaux à la lumière des instruments multilatéraux déjà existants.
S'agissant du premier objectif, le traité d'entraide judiciaire pose le principe de l'entraide judiciaire la plus large possible entre les parties, dans le cadre des procédures suivies par leurs autorités judiciaires. Afin de ne pas retarder la transmission des demandes d'entraide, il prévoit leur transmission directe entre autorités centrales, c'est-à-dire entre le ministère de la justice de la République française et le parquet général du Kazakhstan. Enfin, pour lutter plus efficacement contre les opérations de blanchiment d'argent, le traité permet d'envisager des possibilités très larges d'obtention d'informations en matière bancaire. Il règle également les modalités de coopération pour obtenir l'identification, la saisie et la confiscation d'avoirs criminels.
Pour ce qui est du deuxième objectif, le traité énonce des motifs obligatoires de refus, qui concernent les demandes se rapportant à des infractions politiques et celles qui ont été faites afin de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de sexe, de religion, de nationalité, d'origine ethnique, d'appartenance à un groupe social déterminé, d'idéologie ou d'opinions politiques. Le traité évoque également d'autres motifs de refus, par exemple le fait que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la partie requise. L'entraide peut également être refusée si elle se rapporte à une infraction prescrite selon la législation de la partie requise ou à des faits qui ne sont pas incriminés par son droit. En outre, le traité prévoit des garanties pour la protection des données mentionnées dans le texte.
Un dernier mot pour vous informer que la procédure exigée pour ce traité par l'ordre juridique interne de la République du Kazakhstan est achevée. La France a reçu, le 28 mars 2023, notification de l'instrument de ratification du Kazakhstan.
Telles sont les principales observations qu'appelle le traité d'entraide judiciaire en matière pénale signé avec la République du Kazakhstan, qui fait l'objet du projet de loi proposé à votre ratification.