Intervention de Caroline Parmentier

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2023 à 15h00
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Parmentier :

Cette proposition de loi est une juste reconnaissance par la France du respect dû à tout être humain. Elle constitue également une forme de réparation.

Les restes humains, parfois qualifiés de biens culturels et parfois de sujets humains, relèvent d'un statut flou. Cette avancée législative tire les leçons d'une réflexion éthique quant au statut et à la dignité des corps humains post mortem. Les restes humains n'étant pas des biens culturels comme les autres, il était indispensable de leur réserver un traitement particulier.

Jusqu'ici, les restitutions ont été effectuées au cas par cas et ont souvent été le fait du prince. En disposant l'instauration d'un comité compétent et la réalisation d'analyses scientifiques adaptées lorsqu'un doute demeure quant à l'identification du reste humain, la proposition de loi prévoit une procédure indispensable et même primordiale. On se souvient en effet de la désastreuse affaire de la restitution par Emmanuel Macron de crânes de résistants algériens dont certains avaient été mal identifiés. Cet épisode a contrarié une fois de plus l'idylle franco-algérienne voulue par le Président de la République, qui aurait souhaité en tirer un avantage diplomatique.

Le Rassemblement national soutiendra le texte, mais nous souhaitons porter à votre attention plusieurs questions qui ne sont toujours pas réglées.

D'abord, selon cette loi-cadre, le déclassement des restes humains faisant partie d'une collection serait exclusivement réservé aux cas de restitution à un État étranger à des fins funéraires. Quelle garantie aurons-nous que cette clause sera respectée ?

Le critère d'ancienneté des restes soulève également une difficulté. N'est-il pas arbitraire ? La vision du Rassemblement national se rapproche plutôt, par exemple, de la doctrine britannique en la matière.

Par ailleurs, peu d'États réclament actuellement à la France une telle restitution. Que faut-il conclure lorsque la communauté bénéficiaire de la restitution ne veut pas récupérer les corps de ses ancêtres ? C'est le cas de la communauté de Wamba, en république démocratique du Congo, qui refuse le rapatriement de ces « fantômes » au motif qu'ils menacent la stabilité spirituelle et émotionnelle de la communauté. En l'occurrence, la communauté bénéficiaire ne s'identifie pas au discours demandant la restitution des restes humains. Cette question présente des enjeux scientifiques, culturels et étatiques complexes, et ce serait commettre une nouvelle erreur que d'appliquer systématiquement nos schémas de pensée et nos grilles de lecture occidentales.

Nous approuvons l'instauration effective d'un dispositif visant à informer régulièrement et concrètement le Parlement au moyen d'un rapport annuel présentant les demandes de restitutions pendantes, les décisions de sortie des collections prises au cours de l'année écoulée et les travaux préparatoires qui y ont conduit, ainsi que les restitutions ayant effectivement eu lieu et les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées. Nous tenons à ce que le Parlement soit tenu informé et à ce qu'il soit consulté par l'intermédiaire des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Un dernier point nous paraît capital : il n'existe toujours pas de cadre spécifique dédié à la question des restes humains ultramarins. C'est une anomalie de taille. Le texte exclut de fait, par exemple, la demande guyanaise concernant les Kali'na. En commission mixte paritaire, nous avons obtenu des garanties auxquelles nous serons particulièrement attentifs, de même qu'à la promesse que vient de faire Mme la ministre.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé le mot « mémorielles ». C'est une bonne chose : ce terme nous semblait trop large et aurait créé des risques de détournement.

Pour toutes ces raisons, le Rassemblement national votera ce texte nécessaire.

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