Je tiens d'abord à saluer le formidable travail de notre collègue Christophe Marion, devenu spécialiste en la matière, et à le remercier d'avoir su trouver, en commission mixte paritaire, un accord avec la rapporteure du Sénat. Cette proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, ainsi équilibrée, facilitera les demandes de restitution à venir, ce qui nous permettra de rattraper le retard important pris par la France.
Le texte prévoit une procédure spécifique et tiendra lieu de loi-cadre en la matière. Nous pourrons ainsi cesser de créer une loi de circonstance à chaque fois qu'un État émettra une demande de restitution.
En effet, en l'état actuel du droit, les restitutions de restes humains restent très limitées. Elles obéissent à une procédure difficile à mettre en œuvre, ce qui contraint la France à recourir, au cas par cas, à des lois d'espèce peu satisfaisantes. L'article L2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit certes une procédure de déclassement, mais celle-ci est très circonscrite, et seule l'autorisation préalable du législateur peut permettre d'y déroger en ce qui concerne les restes humains appartenant à une collection publique. C'est l'une des raisons pour lesquelles très peu de restitutions de restes humains ont eu lieu.
La lourdeur et la complexité de la procédure législative ont également conduit à privilégier à plusieurs reprises d'autres voies de restitution, elles-mêmes jugées peu satisfaisantes. Par le passé, seulement deux textes relatifs à une demande de restitution ont été examinés et adoptés par le Parlement : le premier en 2002, l'Afrique du Sud ayant demandé la restitution de la dépouille de Saartjie Baartman, surnommée la Vénus hottentote, et le second en 2010, pour autoriser la restitution à la Nouvelle-Zélande de vingt têtes maories. Or, en France, plusieurs centaines d'établissements publics comptent des restes humains parmi leurs collections. Si la vaste majorité de ces restes provient de France, une partie est d'origine étrangère – principalement européenne – et une minorité provient d'anciennes colonies. Étant donné que ces collections très sensibles relèvent d'un statut juridique particulier, le principe d'inaliénabilité fait obstacle à leur restitution.
Il est donc nécessaire de définir un cadre légal qui permettra de leur offrir un traitement respectueux, digne et décent. En effet, l'entrée de ces restes humains dans nos collections publiques pose problème : ils ont bien souvent été acquis de manière illégitime, voire violente. Si la plupart proviennent de fouilles archéologiques, d'autres ont été collectés dans des conditions inacceptables : il peut s'agir de trophées de guerre ou du produit d'un vol, d'un pillage ou encore d'une profanation de sépulture. Force est de reconnaître que l'acquisition de ces restes humains dans des conditions suspectes a lésé des peuples. Loin d'être seulement technique, la proposition de loi tient compte de cette spoliation, dans un contexte où l'enjeu des restitutions a pris de l'importance sur la scène internationale.
À ce stade, les autorités françaises ont reçu trois demandes officielles de restitution de restes humains. La première, émise en 2009 par l'Australie, a trait à des restes d'aborigènes d'Australie et d'indigènes du détroit de Torrès, conservés dans les collections des musées français. La deuxième, transmise par l'Argentine en 2015, est relative au squelette du fils du cacique Liempichun. La troisième, venue en 2021 de Madagascar, concerne le crâne du roi sakalava Toera. L'adoption de cette loi-cadre permettra de traiter plus facilement et plus rapidement ces trois demandes.
La proposition de loi vise aussi à mieux reconnaître la valeur culturelle et cultuelle des restes humains. Leur retour dans leur pays d'origine permettra de maintenir la cohésion de la communauté dont ils sont issus. Le peuple de l'État demandeur pourra enfin rendre hommage à ses défunts par des cérémonies ou des cultes, dans le respect de leurs croyances et de leur culture d'origine.
Le texte favorisera également l'ouverture de nouvelles relations diplomatiques entre la France et les pays demandeurs ; les biens en question leur seront restitués dans l'objectif de réparer le tort causé par la France aux peuples lésés.
Par ailleurs, je tiens à souligner l'attachement de la majorité à l'article 2. La remise d'un rapport répond aux demandes des élus ultramarins. Il est donc essentiel que ce document soit remis dans les délais impartis et qu'il s'appuie sur des moyens humains et financiers adéquats, afin de définir un cadre adapté au traitement des demandes de restitution ultramarines. Nous y serons très attentifs et avons pris acte de l'engagement ambitieux qu'a pris Mme la ministre en promettant la remise du rapport avant un an. Nous tenons également à saluer l'annonce de la constitution d'une mission parlementaire à ce sujet début 2024.
Le groupe Renaissance votera évidemment le texte avec conviction.