Comme nous l'avons déjà indiqué en commission lors de la première lecture, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires se satisfait de voir posé un cadre général pour la restitution des restes humains. Cette question renvoie à un double enjeu qui justifie que ce processus aboutisse.
Tout d'abord, il s'agit de restes humains. Bien qu'ils fassent partie de collections publiques, ils ne peuvent être traités comme de simples biens culturels. Ce sont des corps de personnes humaines, dont la mort ne peut atténuer la dignité, qu'il convient de respecter. Nous devons donc nous assurer qu'ils fassent l'objet de rites funéraires correspondant à leur culture d'origine.
Par ailleurs, les collectes se sont parfois faites dans des conditions intolérables, qu'il s'agisse de captations patrimoniales dans le cadre du système colonial ou de trophées issus de guerres, de vols, de pillages ou encore de profanations de sépultures.
Nos collections publiques possèdent malheureusement des restes humains dont il faut interroger la provenance. Certains ont été prélevés en toute illégalité à l'étranger, à des fins de recherche et de documentation scientifiques. Plutôt que d'éviter de répondre aux demandes ou de s'engager dans des procédures détournées, comme ce fut le cas pour les crânes algériens, il convient d'adopter une loi-cadre afin d'assurer que la restitution se déroule dans des conditions transparentes.
Si notre groupe se satisfait de ce texte équilibré, il s'interroge sur certains points à l'issue de la commission mixte paritaire.
Tout d'abord, nous déplorons que la CMP soit revenue sur un amendement du rapporteur visant à préciser que la sortie du domaine public pouvait être effectuée à des fins mémorielles. Ensuite, nous nous inquiétons qu'un flou persiste sur les conséquences d'un refus de restitution : que se passera-t-il ? un recours est-il possible ?
Enfin, notre groupe regrette que le texte soit restreint aux demandes formulées par des pays étrangers et fasse l'impasse sur les restes humains ultramarins. Le problème est certes identifié dans l'article 2, mais il fera seulement l'objet d'un rapport, au lieu d'une procédure ad hoc. Lors de l'examen de la proposition de loi en commission, vous nous avez livré, madame la ministre, des pistes de réflexion quant à la possibilité de légiférer sur le cas particulier des restes humains conservés dans des collections publiques françaises venant des territoires de notre pays ; en outre, vous avez évoqué aujourd'hui la constitution d'une mission. Nous vous en remercions. Nous souhaitons effectivement qu'un dispositif soit rapidement prévu à cet effet.
Comme je l'ai souligné en première lecture, le texte touche à la dignité des morts et à la reconnaissance des vivants. Reconnaître aux morts leur humanité relève d'un indispensable travail de mémoire, de justice et de respect, dont les territoires d'outre-mer doivent également pouvoir bénéficier.
Par ailleurs, notre groupe continue d'insister sur la nécessité d'accentuer l'effort de recherche de provenance. Cela implique d'y consacrer des moyens financiers et humains, mais aussi de mieux former à cette activité les jeunes diplômés et professionnels initiés à l'histoire de l'art ou au droit, et d'accompagner les établissements culturels dans leur rôle de médiation.
Néanmoins, notre groupe se réjouit de voir que les autres apports de l'Assemblée nationale ont été maintenus, notamment en ce qui concerne la représentation équilibrée – et non plus paritaire – des États lors de la création du comité scientifique, ou encore le rapport annuel remis au Parlement pour rendre compte des demandes n'ayant pas abouti, issu d'un de nos amendements. De plus, l'examen du texte en commission mixte paritaire a permis d'y ajouter de nouvelles dispositions permettant d'améliorer l'information du Parlement, ce que nous ne pouvons que saluer.
Dans ce contexte, malgré les quelques regrets que j'ai exprimés, notre groupe votera ce texte équilibré qui va dans le bon sens.