Le 29 juin, l'Assemblée nationale a fait un pas historique pour apaiser les mémoires, en reconnaissant les crimes antisémites perpétrés de 1933 à 1945 et la responsabilité historique de la France, qui nous oblige encore collectivement vis-à-vis des survivants et de leurs descendants.
La proposition de loi que nous allons adopter après son passage en commission mixte paritaire ouvre un nouveau chapitre en matière de reconnaissance des erreurs du passé et de leurs victimes. Il s'agit, cette fois, de reconnaître les erreurs – et même les fautes – commises par la France lorsqu'elle a collecté des restes humains, dont certains sont toujours détenus dans nos collections. Je tiens d'ailleurs, à cette occasion, à saluer l'engagement de la sénatrice Catherine Morin-Desailly, qui a fait de la restitution des biens culturels un sujet prioritaire de son travail parlementaire.
Depuis plusieurs années, la présence de milliers de restes humains dans nos musées publics soulève un problème croissant quant au respect de la dignité humaine. En effet, plusieurs centaines de restes humains ont été collectés à l'étranger de manière parfois illégitime, parfois violente : une part non négligeable d'entre eux est issue de butins de guerre obtenus au cours d'expéditions ou de conquêtes coloniales, ou encore le fruit d'exhumations illégales à des fins de recherche scientifique.
Ces restes sont les témoins silencieux de notre histoire, de valeurs d'un autre temps, et d'une domination coloniale que nous ne devons pas oublier. Leur restitution est donc, en premier lieu, un devoir moral dont nous devons nous acquitter par respect de la dignité de la personne, par reconnaissance de l'humanité blessée et des destins parfois tragiques de ceux dont nos collections publiques conservent les restes. Les restitutions sont également un devoir politique : nous les devons à de nombreux États étrangers qui, pour certains, les réclament depuis plusieurs années.
Jusqu'à présent, il n'était pas possible de restituer des restes humains sans passer par la loi, en raison de l'inaliénabilité des collections publiques. Si ce principe est essentiel pour garantir la préservation de notre patrimoine national, il a notablement freiné ce travail de restitution. En effet, la France n'a accédé à ce jour qu'à cinq demandes – et encore, seules les restitutions des restes de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud et de vingt têtes maories momifiées à la Nouvelle-Zélande ont donné lieu à une loi d'exception, tandis que celle des crânes algériens en 2020 n'a fait l'objet que d'une convention de dépôt, ce qui l'a rendue légalement fragile.
Cette lenteur et cette difficulté à traiter les demandes se révèlent problématiques : plusieurs pays attendent, parfois depuis longtemps. L'Australie a déposé une demande en 2009 pour le retour de dépouilles d'Aborigènes et d'indigènes du détroit de Torrès conservées dans les musées français ; l'Argentine a réclamé en 2015 la restitution du squelette monté du fils du cacique Liempichún conservé dans les collections du Muséum national d'histoire naturelle ; en 2021, Madagascar a adressé une demande concernant le crâne du roi sakalava Toera.
Pour ces pays et ceux qui suivront – sans doute nombreux, à l'heure où l'enjeu des restitutions monte en puissance sur la scène internationale –, nous devons mettre en place des principes généraux, poser un cadre pour établir une démarche scientifique rigoureuse, et nous donner les moyens d'agir plus rapidement.
C'est pourquoi je salue cette proposition de loi qui crée une dérogation générale au principe d'inaliénabilité du domaine public, exclusivement réservée à la restitution de restes humains à un État étranger. Elle autorise la sortie du domaine public de ces restes, y compris ceux entrés dans les collections des musées de France par don ou legs, tout en établissant des critères d'ordre matériel, juridique, généalogique, éthique et temporel. Nous pourrons ainsi accéder aux demandes légitimes de ces États à travers une procédure claire, scientifique et transparente, tout en protégeant l'inaliénabilité de nos collections.
Je me réjouis aussi que ce cadre général incite les établissements publics à engager un travail d'identification des restes sensibles dans leurs collections et à développer des coopérations culturelles et scientifiques avec les États demandeurs.
Je tiens également à saluer la volonté d'avancer en matière de restitution des restes ultramarins. Il est indispensable que le Gouvernement présente des solutions adaptées pour assurer le retour des restes humains originaires des territoires d'outre-mer, notamment de Nouvelle-Calédonie.
Enfin, je me félicite de l'évolution des mentalités sur ces questions.