Nous voici arrivés au terme de l'examen de la proposition de loi-cadre relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. Comme souligné dans les débats des deux chambres, ce texte permettra, par le consensus et par l'étude historique et scientifique, d'extraire de nos collections publiques des restes humains qui n'auraient pas dû y entrer.
Il permettra également aux communautés d'origine d'honorer la mémoire d'un des leurs dans le respect de leurs rites funéraires – ce n'est pas le moindre de ses mérites. Lors de l'examen du texte, l'inaliénabilité, principe fondamental qui interdit la cession de biens du domaine public, a été beaucoup évoquée. Elle n'est pas remise en cause par cette proposition de loi. Il est donc inutile de jouer à se faire peur en imaginant que, dans un proche avenir, nos collections publiques seront dispersées aux quatre vents.
Il s'agit simplement de permettre que soient restitués à des pays tiers demandeurs les restes d'hommes et de femmes acquis de manière souvent totalement illégitime et à des fins très contestables, sinon macabres, sordides ou scabreuses. À ce titre, je rappellerai les propos tenus par notre collègue Colette Le Moal, députée centriste des Yvelines, qui, lors des débats de 2010 portant sur la restitution de têtes maories, citait cette phrase de Frédéric Mitterrand : « On construit une culture sur une véritable pratique de la mémoire et sur le respect d'un certain nombre de procédures et de lois. » Elle ajoutait : « Il est donc regrettable que la France, pays des droits de l'homme, fasse exception en la matière, moins par opposition de fond à la restitution de ces têtes humaines momifiées que pour des raisons de forme, liées au statut juridique de ce qui est aujourd'hui encore considéré comme un bien culturel avant d'être traité comme un reste humain ».
Les mots de Valérie Fourneyron, députée socialiste de Rouen, lors de ces mêmes débats, sont aussi éclairants : « Ce texte ouvre-t-il la boîte de Pandore ? Il faut tordre le cou une bonne fois pour toutes aux fantasmes du vortex des restitutions aspirant les collections des musées occidentaux […]. Les critères évoqués afin d'examiner ces demandes paraissent à la fois pertinents et raisonnables : demande officielle du pays d'origine, portée par un peuple vivant dont les traditions perdurent ; acquisition douteuse du bien culturel en question, contraire aux principes de dignité humaine ainsi qu'à celui du respect des cultures et croyances des autres peuples ; intérêt scientifique non démontré. Aux dernières nouvelles, les collections des pays qui ont procédé à des restitutions ne se sont pas vidées. »
La sénatrice Catherine Morin-Desailly rappelait utilement en CMP qu'avant les lois de 2002 et 2010, le vide juridique prévalait ; ces deux textes ne permettaient de valider qu'un retour des restes déjà décidé ou en passe de l'être. Il était donc temps de disposer d'un texte offrant une véritable méthodologie pour répondre aux demandes de restitution de pays tiers. Cela évitera de légiférer au cas par cas, par des lois d'espèce, à chaque demande de restitution concernant des restes humains dormant dans nos collections publiques.
Je ne crois pas, au fond, que les députés soient plus compétents sur ces sujets qu'une commission indépendante de chercheurs chargée d'examiner le bien-fondé des demandes. Je ne crois pas non plus que les députés seraient dépossédés d'une quelconque prérogative en la matière.