La désertification médicale est un problème qui nous préoccupe tous. Nous constatons chaque jour à quel point il s'aggrave, à quel point nous ne parvenons pas à garantir le principe constitutionnel d'égal accès aux soins, partout et pour tous. Ce constat est celui d'un échec collectif, fruit de décennies de décisions inadaptées ou insuffisantes.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère que, face à la désertification médicale, il n'y a pas de solution miracle. Nous devons déployer un arsenal d'outils pour accroître le nombre de médecins et les répartir plus équitablement sur le territoire, pour augmenter le temps médical disponible, pour garantir à chacun une prise en charge effective et adaptée, pour mettre fin aux inégalités territoriales et financières en matière d'accès aux soins et, enfin, pour faire vivre le principe de solidarité envers les plus fragiles. Des mesures ont été prises en ce sens au cours des dernières années, mais nous avons besoin d'un changement de logiciel d'ampleur, pour faire réellement de la santé une priorité nationale.
Nous regrettons l'absence d'un grand projet de loi, piloté par le Gouvernement, qui s'attaquerait à la désertification et aux difficultés croissantes d'accès aux soins. Dès lors, les groupes parlementaires multiplient les initiatives, forcément partielles ; c'est le cas de cette proposition de loi. Bien entendu, celle-ci comporte des dispositions dont nous devons nous réjouir. La plupart d'entre elles sont le fruit du travail transpartisan mené par un grand nombre d'entre nous au cours des derniers mois. Elles sont la preuve que nous parvenons à travailler ensemble et à nous entendre sur des sujets majeurs pour nos concitoyens.
Ainsi, nous avons collectivement inscrit quelques avancées dans le texte : le préavis de six mois avant le départ d'un professionnel de santé libéral conventionné ; la détermination des capacités d'accueil des étudiants prioritairement en fonction des besoins du territoire ; l'expérimentation d'une option « santé » dans les lycées des territoires sous-dotés ; la limitation, au-delà de dix ans, des aides et incitations à l'installation ; la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients qui perdent leur médecin traitant.
Ces mesures apporteront quelques améliorations à court ou à long terme, mais ne résoudront pas, à elles seules, tous les problèmes. D'autant qu'en parallèle, des dispositions que nous avions adoptées ici ont été supprimées en CMP afin de trouver un compromis avec les sénateurs. Elles étaient pourtant essentielles. Je pense en particulier à l'obligation de participer à la permanence des soins et à la possibilité pour les ARS de salarier directement les médecins.
Enfin, un sujet n'est pas traité par la proposition de loi : la régulation de l'installation des médecins. L'urgence de la situation, et le constat des échecs des dispositifs incitatifs à l'installation mis en œuvre ces dernières années, devraient en principe nous contraindre à envisager une telle solution. Il serait question ici d'une régulation douce pour orienter les médecins vers les territoires les moins dotés, à l'image de celle que propose le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux.
Autre enjeu, de long terme : la formation des médecins et l'accès aux études de santé. Notre groupe continue de soutenir la proposition de loi de notre collègue Jean-Louis Bricout portant expérimentation d'écoles normales aux métiers de la santé. Il s'agirait de lycées spécialisés qui assureraient un rôle d'ascenseur social en proposant des études gratuites, un internat d'excellence et une bourse de vie.
Si la présente proposition de loi comporte des mesures intéressantes, certaines de ses dispositions risquent de porter atteinte à l'initiative territoriale. C'est le cas de la possibilité laissée aux GHT de se doter de la personnalité morale. Nous appelons à une grande prudence en la matière : les GHT ne doivent pas devenir de grands groupements dépourvus de lien avec les territoires et les populations. Notre groupe prône au contraire une décentralisation et une autonomie accrues ainsi qu'une meilleure prise en compte des besoins des territoires dans les politiques de santé. Nous avons besoin de davantage de proximité et d'une moindre verticalité dans les prises de décisions, aussi bien dans les territoires et qu'au sein des hôpitaux.
À l'issue de nos débats, qui auraient sans doute gagné à être poursuivis, nous avons le sentiment que le texte est un peu fourre-tout. Les dix articles initiaux ont fait place à un empilement de trente-huit mesures dénué de réelle vision globale. Je le répète, c'est la conséquence de l'absence, depuis plusieurs décennies, de projet de loi d'ampleur relatif à la santé. Notre groupe ne s'opposera pas à la proposition de loi, mais appelle à une réforme beaucoup plus ambitieuse de notre système de santé.