Le grand cormoran est une espèce autochtone, protégée au niveau européen sur le fondement de la directive relative à la conservation des oiseaux sauvages, dite directive oiseaux. Sa population est à peu près stable depuis 2013, oscillant autour de 100 000 individus. Le droit interne prévoit un système dérogatoire à la protection stricte, afin de mener des opérations de régulation encadrées, dont les conditions sont fixées par l'arrêté-cadre du 26 novembre 2010, complété par un arrêté ministériel pris tous les trois ans – celui en vigueur actuellement porte sur la période 2022-2025. Ce dernier est lui-même décliné en arrêtés départementaux définissant les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées.
L'élaboration de l'arrêté triennal 2022-2025 est intervenue dans un contexte de contentieux, alors que de multiples arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours et plans d'eau avaient été attaqués, puis tous annulés par les juges. Ces arrêtés ont été jugés insuffisamment motivés, car ils ne démontraient ni la présence d'espèces de poissons menacées dans les cours d'eau, ni l'impact de la prédation du grand cormoran sur ces espèces, ni le déploiement de solutions alternatives à la destruction.
Aussi, afin de sécuriser les actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés, il a été décidé de ne pas établir de plafonds pour les cours et plans d'eau dans l'arrêté portant sur la période 2022-2025. Des dérogations ont en revanche été accordées pour protéger les piscicultures dans cinquante-huit départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus concernés par la régulation, soit un quart de la population au maximum.
Les craintes et demandes exprimées par les pêcheurs et leurs fédérations sont identifiées. Nous échangeons régulièrement avec eux. Nous devons à présent objectiver l'impact éventuel du cormoran sur la conservation des espèces de poissons protégées ou menacées, en nous appuyant sur des études locales robustes. Si tel est le cas, l'arrêté 2022-2025 pourrait être complété afin de fixer des plafonds pour les cours et plans d'eau concernés.
Un protocole-cadre national a été élaboré avec la Fédération nationale de la pêche en France. Quatre départements pilotes, bénéficiant d'un financement de l'État, ont été retenus pour l'appliquer. Les résultats des premières études sont attendus ces prochains mois.