Soixante-dix-huit : c'est le nombre de jours de grève des salariés de l'entreprise Onet, sous-traitant du CHU (centre hospitalier universitaire) de Montpellier pour le nettoyage. Ces femmes et ces hommes nettoient les parties communes et les bureaux de l'hôpital, permettent l'application des protocoles d'hygiène, participent à la lutte contre les infections nosocomiales. Pourtant, elles et ils le font dans des conditions difficiles, physiquement et psychologiquement épuisantes. Elles affrontent, d'abord, des tâches répétitives et des efforts physiques : « Je ne peux plus soulever de paquets de riz car mon poignet me fait mal. Les lombaires sont fatiguées », décrivent-elles. Elles doivent ensuite s'accommoder d'horaires fragmentés : elles arrivent à l'hôpital aux aurores, repartent en fin de matinée, puis doivent revenir en fin d'après-midi. « Quand on rentre à la maison, on est fatiguées, on n'arrive pas à écouter les enfants quand ils nous parlent », dit une autre. Tout ça pour un salaire de misère : moins de 1 000 euros par mois pour un temps partiel, à peine plus que le Smic pour un temps complet.
La goutte d'eau qui a fait déborder le vase de tant d'années sans reconnaissance est tombée le 13 septembre dernier. Onet a voulu leur imposer de badger à chaque réalisation de tâche, une infantilisation qui a poussé ces femmes et ces hommes à se mettre en grève avec des revendications claires : un treizième mois, une augmentation de salaires, l'arrêt des méthodes de flicage, une meilleure organisation du temps de travail.
Ces conditions de travail et ces revendications, vous les connaissez bien. Ma collègue Rachel Keke avait mené une lutte de vingt-deux mois à l'Ibis Batignolles pour dénoncer les mêmes souffrances et le même mépris. Mon collègue François Ruffin a écrit et montré le quotidien de ces femmes qui luttent pour la dignité au travail. En 2020, le groupe parlementaire La France insoumise avait d'ailleurs déposé une proposition de loi pour améliorer les conditions de travail des femmes de ménage dans la sous-traitance : paiement double des heures réalisées tôt le matin et tard le soir ; augmentation du Smic à hauteur de 1 600 euros ; assimilation des salariés du sous-traitant aux salariés du donneur d'ordre, pour le salaire horaire notamment. Alors que l'inflation sur les produits alimentaires, l'énergie et les carburants explose, qu'une grande partie des salariés d'Onet travaille dans l'hôpital depuis plus de dix ans – jusqu'à dix-sept ans pour certaines –, alors que le chiffre d'affaires d'Onet atteint près de 2 milliards d'euros, ces propositions sont plus que jamais d'actualité.
Madame la ministre déléguée, une fois qu'on a traversé la rue pour trouver du travail, que fait-on quand celui-ci épuise ? Quand le salaire ne nourrit pas ? Le Gouvernement finance les hôpitaux, qui financent les sous-traitants. Il a donc son mot à dire quant aux conditions de travail que ces derniers imposent à leurs salariés. C'est une question de dignité au travail, mais aussi de santé publique. Ces travailleurs essentiels, comme vous les appeliez pendant le confinement, doivent être payés et traités convenablement.