Madame la ministre déléguée, pourquoi, dans notre pays, des multinationales gavées d'argent public bénéficient-elles d'une impunité totale ? C'est le cas de l'entreprise Teleperformance : installée à Blagnac, dans la première circonscription de la Haute-Garonne, mais employant 400 000 salariés dans le monde, elle gère des centres d'appel, raflant de nombreux numéros verts – vous en inventez un toutes les vingt-quatre heures –, notamment celui dédié à la covid-19. Les salariés qui répondent aux coups de fil sont largement privés de formation, installés dans des locaux insalubres et mal nettoyés. En pleine pandémie, ils avaient été contraints de dormir sur place, dans un lieu de travail contaminé. Ils ont l'interdiction d'aller aux toilettes sans l'autorisation d'un supérieur hiérarchique et voient leur espace de travail se réduire année après année et leur matériel se dégrader sans être remplacé. Bilan de cette politique : des tentatives de suicide parmi les plus jeunes salariés de l'entreprise et une plainte devant l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Si la situation est catastrophique pour les salariés, elle fait aussi des gagnants, notamment le PDG de l'entreprise, Daniel Julien, qu'on félicitera de toucher 1 200 Smic par an en traitant les salariés de cette façon. En dépit de la maltraitance généralisée et de conditions de travail inadmissibles, l'entreprise a reçu le label RSE (responsabilité sociale des entreprises) Human for client – goûtez le paradoxe ! – décerné par l'Institut national de la relation client. Cette officine privée – qui ne l'est pas tant que cela, puisqu'elle a été créée avec le soutien d'une mission ministérielle – est entrée en sommeil après avoir blanchi Teleperformance ; elle n'aura donc servi qu'au PDG de cette multinationale. Dommage pour l'argent public ! Malgré les faits que je viens d'exposer, Teleperformance profite de contrats publics à gogo et gère des plateformes d'appel importantes pour l'action publique de notre pays.
Que comptez-vous faire ? Jusqu'à présent, en dépit des nombreuses alertes syndicales et des révélations dans la presse, rien n'a été entrepris, et Teleperformance continue à faire ce que bon lui semble. Quand allez-vous diligenter une enquête de l'inspection du travail pour faire toute la lumière sur ce qu'on sait déjà et sur ce qu'on ne sait pas encore – et qui risque de se révéler bien pire ? Quand allez-vous mettre en place un moratoire sur les prêts, subventions et marchés publics accordés à des multinationales qui, parce qu'elles maltraitent leurs salariés, ne devraient pas toucher un centime d'argent public ?