Intervention de Thierry Guimbaud

Réunion du mercredi 6 décembre 2023 à 11h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Thierry Guimbaud :

La question de la desserte des territoires ruraux se pose, en effet. Elle est connue, mais pas facile à résoudre. L'évolution de la législation sur les Serm me paraît apporter un début de réponse.

Chaque mode a une zone de pertinence – c'est une idée que j'ai souvent défendue au sujet du fret fluvial. Aucun ne peut tout faire. Les transports ferroviaires sont lourds et capacitaires : il faut les utiliser comme tels et les adosser à d'autres moyens de transport, notamment routiers, de qualité, dans les territoires ruraux mais aussi périurbains. Sur la question des multimodalités, notre pays n'a pas toujours brillé… Nous devons relever le grand défi de l'articulation des offres, chacune dans sa zone de pertinence – la loi relative aux Serm va dans ce sens.

La gare de Bercy-Seine est un sujet important ; je sais que des réunions ont eu lieu. Il serait regrettable qu'elle ne puisse pas fonctionner au service des lignes d'autocars dites « Macron », car le secteur a émergé de façon forte, en réponse à une vraie demande. À la demande du ministre délégué chargé des transports, l'ART va mener un travail d'exploration et de discussion pour dégager toutes les solutions possibles. Cela ne veut pas dire que la gare de Bercy fonctionne bien : il faut aussi être attentif aux dysfonctionnements. Il est indispensable d'envisager le problème sous tous les angles et de poser les termes du débat : c'est un des rôles de l'entité indépendante qu'est l'ART. Sinon, nous risquerions que des opérateurs de lignes « Macron » qui estimeraient ne pas avoir les moyens d'accéder à la clientèle demandent l'accès aux gares routières des services conventionnés. Il y aurait nécessairement un contentieux, dont l'ART serait saisie. Nous avons donc tout intérêt à anticiper.

La concurrence montre ses effets positifs à l'étranger, où elle est plus étendue. En France, cela a été rappelé, les contrats de service public passés avec les régions permettent souvent de maîtriser les coûts tout en améliorant l'offre. L'arrivée de Trenitalia a fait augmenter l'offre – celle de la SNCF restant très importante – et diminuer les coûts.

La question de la cohabitation sur une même ligne du fret et des voyageurs, mais aussi des travaux, est classique – on en revient à la question de la zone de pertinence de chaque mode. L'ART n'est pas prescriptrice en la matière : c'est aux opérateurs qu'il revient de déterminer, avec SNCF Réseau, leurs besoins et l'organisation générale. En revanche, elle interviendrait si l'on constatait l'existence de pratiques anticoncurrentielles – des faux sillons, par exemple, comme cela a été évoqué, même si cela me paraît peu probable en l'occurrence.

Pour stimuler la concurrence dans le domaine ferroviaire, l'accès aux infrastructures doit être fluide. Dans le cas des services conventionnés, l'accès à l'information doit être fluide et suffisant. Le métier d'autorité organisatrice est important, je l'ai dit : il faut maîtriser l'information. En cas de mise en concurrence, les opérateurs doivent donc fournir toutes les informations nécessaires et souhaitables pour que la concurrence fonctionne de manière équitable.

Je ne pense pas que l'ART ait été sollicitée au sujet de l'entité qui remplacera Fret SNCF – je ne voudrais pas renforcer l'impression de M. Valence selon laquelle elle va déjà parfois trop loin ! Il est normal que l'État prenne des décisions et assume ses choix, sans que l'ART soit saisie nécessairement en amont.

Vous me demandez, monsieur Dragon, si j'irai jusqu'au bout de mon mandat – peut-être faites-vous allusion à mon âge ? Si je n'en avais pas l'intention, je ne serais pas devant vous ce matin. Et je suis d'une santé plutôt robuste !

S'agissant de l'ouverture à la concurrence des bus franciliens et des éventuels transferts de personnel, c'est un sujet difficile, très technique, sur lequel l'ART devra renforcer ses compétences. C'est un élément qui va incontestablement dans le sens d'une refondation de l'Autorité – peut-être le terme est-il trop fort : disons que nous devons nous interroger sur ses missions. J'ai déjà évoqué ce point. Il faut développer de nouvelles compétences, qui ne se recoupent pas toujours, ce qui pose la question des moyens et des ressources individuelles et collectives.

Les 100 milliards d'euros prévus pour le réseau ferroviaire seront-ils suffisants ? Je n'ai pas encore, je l'avoue, analysé précisément ce sujet. Ils vont à coup sûr dans le bon sens pour atteindre le meilleur niveau possible, notamment dans le cadre des Serm. La question sera celle de la traçabilité de ces financements complémentaires. Cela renvoie à ce que j'évoquais : un contrat de performance, une planification.

Les péages français sont-ils les plus élevés d'Europe ? Cela dépend des modes. Ils ne sont pas très hauts dans le fret : 4 % seulement des coûts totaux – mais c'est 25 % dans les services conventionnés et bien davantage dans les services librement organisés. Les péages ne sont donc pas forcément plus onéreux qu'ailleurs, mais ils ne sont pas partout répartis de la même façon – c'est un choix de chaque pays. Ce n'est pas le niveau du péage qui explique, à mon sens, la situation du fret ferroviaire ; il faut plutôt s'interroger sur l'accessibilité des infrastructures et des sillons nécessaires.

Je ne me prononcerai pas sur la taxe sur les concessions autoroutières et aéroports envisagée par le Gouvernement. Des difficultés juridiques se posent, que je n'ai pas de compétence particulière pour évoquer. La question que pose ce choix, qui s'appuie sur la rentabilité des sociétés concessionnaires et qui est une évolution fiscale importante, je l'ai déjà évoquée : c'est celle du partage de tous les risques qu'affronte un concessionnaire, autrement dit celle du coût de sortie. C'est à cela que nous devons réfléchir.

L'ART a publié très récemment un document sur les accords-cadres pluriannuels. C'est un outil important, notamment pour de nouvelles parties prenantes : ils permettent une visibilité à long terme sur les sillons, ce qui est indispensable pour disposer d'un plan d'affaires soutenable et donc convaincre des financeurs. Cela favorise ainsi la concurrence. C'est un sujet naissant, une piste intéressante, mais complexe.

J'espère avoir répondu à tous et le mieux possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion