Madame Ménard, vous posez une question un peu différente de celle de M. Pauget : vous souhaiteriez que le maire puisse s'opposer à un mariage si l'une des personnes est en situation irrégulière. Le Sénat a essayé de travailler cette question et n'a finalement pas retenu cette proposition.
Le fait de marier quelqu'un sur le territoire national n'empêche aucunement de l'expulser – ce qui s'est passé à Béziers, ce que vous auriez pu dire. Je peux comprendre que l'élu ne veuille pas procéder à la cérémonie parce qu'il pense que celle-ci ne sert qu'à récupérer des papiers ; mais on ne peut pas exclure que ce mariage soit le résultat de l'amour de deux personnes et destiné à fonder une famille. Il n'est pas toujours facile de le savoir.
Le législateur s'est depuis longtemps penché sur cette question. Je vous renvoie à une question écrite posée au Gouvernement par M. Gaymard en 2010. Le Gouvernement avait alors répondu qu'interdire le mariage d'une personne clandestine ne serait pas constitutionnel, en renvoyant à deux décisions du Conseil constitutionnel de 1993 et 2003, qui s'appuient sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et affirment le principe de la liberté de fonder une famille. Une circulaire du 2 mai 2005 précise qu'« en aucun cas, l'officier de l'état civil ne peut refuser de célébrer le mariage d'une personne au seul motif qu'elle est en situation irrégulière ». C'était sous la présidence de Jacques Chirac, mais la règle a été confirmée sous celle de Nicolas Sarkozy. Comme vous le voyez, il n'est pas facile de résoudre cette difficulté, sauf si – et nous rejoignons là la question de M. Pauget – le mariage ne se fait pas par amour mais pour récupérer des papiers. Je redis aussi que le mariage n'empêche pas l'expulsion.
La question posée par M. Pauget et Mme Genevard n'est pas idéologique, mais pratique. Lorsqu'il célèbre un mariage, le maire agit au nom de l'État. Il peut, à ce titre, mener lui-même une enquête administrative, recevoir les gens, voire refuser de célébrer le mariage s'il constate un défaut de consentement ou la vulnérabilité de quelqu'un – ce qui concerne singulièrement, mais pas uniquement, des femmes. Mme Genevard a raison de dire que le maire est le mieux placé pour constater la réalité de la situation, et j'imagine qu'on ne refuse jamais un mariage de gaieté de cœur ; mais il peut aussi y avoir des situations militantes : le maire ne doit pas pouvoir décider de tout tout seul.
Le procureur de la République peut lui enjoindre de procéder au mariage : dans ce cas-là, le maire doit bien accepter qu'il exerce cette fonction sous l'autorité du procureur.
Le problème survient lorsque le procureur ne répond pas. Or je ne crois pas que les parquets soient à même de répondre, même avec un délai allongé. Je soutiens donc la position de la rapporteure, ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas en reparler en séance publique. Nous devons travailler avec le garde des sceaux.
Et si nous permettons aux maires d'intervenir davantage, ou même si nous l'exigeons d'eux, cette règle sera-t-elle applicable partout ? On voit ce genre de mariages dans les communes les plus rurales, dont les maires ont très peu de services.
Encore une fois, nous devons chercher l'efficacité. Je vous engage à reposer la question en séance. Je m'engage, d'ici là, peut-être avec Mme la rapporteure si elle le souhaite, à rencontrer les services du garde des sceaux pour voir comment améliorer les choses. Ces interrogations sont de plus en plus nombreuses et il faut y répondre.
L'idée de Mme Boyer, sur laquelle elle a d'ailleurs été battue dans l'hémicycle du Sénat, c'était que si le procureur de la République exige que le mariage soit célébré, il n'a qu'à procéder lui-même à la cérémonie. Cela ne me paraît pas acceptable.
Encore une fois, ce n'est pas une question idéologique, mais pratique. Votre amendement pose une bonne question mais il ne me semble pas que la réponse qu'il apporte améliore la situation pour les maires, puisque le parquet ne verra pas ses moyens augmenter et ne répondra pas plus. La solution du Sénat ne me paraît pas adaptée non plus. Bref, travaillons cette question en vue de la séance pour aboutir à un compromis.