Cet article est capital. On peut se déclarer autoentrepreneur en étant en situation irrégulière. Depuis 2008, date de la création du statut, les gouvernements successifs ont permis qu'il en soit ainsi, sans doute par ignorance du problème. Or on estime que, sur 100 000 autoentreprises créées chaque année, entre 50 000 et 60 000 le sont par des personnes en situation irrégulière. Le phénomène a pris beaucoup d'ampleur avec l'essor des plateformes. Depuis trois jours, vous parlez de masse, or, je le répète, le regroupement familial ne concerne que 12 000 à 14 000 personnes par an. L'État, peut-être sans le savoir, a ainsi organisé une filière d'immigration irrégulière.
Le Conseil d'État n'a pas déclaré la mesure inutile ; il a souligné qu'elle relevait du domaine réglementaire. Nous souhaitons l'inscrire dans la loi parce que, malgré plusieurs tentatives d'accord avec les plateformes, celles-ci refusent de réguler elles-mêmes la situation en demandant aux personnes concernées leur titre de séjour, avant la création du statut d'autoentrepreneur. À la demande d'Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion, la plateforme Uber Eats a récemment désactivé 2 500 comptes et envisage d'en supprimer 7 000 autres, à l'issue d'une campagne de vérification que nous lui avons imposée, mais d'autres plateformes n'obtempèrent pas.
Le meilleur moyen d'assécher ce flux d'immigration irrégulière, c'est d'exiger que les déclarants aient le droit de travailler, comme c'est le cas pour n'importe quelle activité professionnelle.
La suppression de l'article maintiendrait les personnes concernées dans l'hypervulnérabilité. Les plateformes opposent aux demandeurs d'emploi en situation irrégulière les risques que leur embauche leur ferait courir et leur proposent de créer leur microentreprise : elles-mêmes ne prennent aucun risque et peuvent exploiter les personnes ainsi privées de la protection du droit du travail. C'est vrai pour la distribution de repas et le transport, mais aussi dans le bâtiment, dans la restauration en restaurant où dans le nettoyage. C'est de la maltraitance sociale : les personnes restent deux, trois, cinq ans dans cette situation, paient des impôts et des cotisations sociales, ne bénéficient de rien, et ne peuvent demander leur régularisation, parce que la circulaire Valls ne prévoit pas leur cas. Les patrons continuent à profiter de ces salariés déguisés, et l'État est complice.