Je suis honorée de vous présenter, en tant que rapporteure, la proposition de loi visant à relancer l'organisation des voyages scolaires – appelés également classes de découverte – dans les écoles publiques et privées sous contrat.
Les voyages scolaires évoquent des souvenirs d'enfance que nous gardons toute notre vie. Ils sont anciens, puisque la première classe de découverte remonte à 1936 : une école de Moselle s'était alors rendue dans les Vosges. Ces initiatives étaient soutenues par l'emblématique ministre de la Jeunesse et des sports de l'époque, Léo Lagrange.
Au sortir de la guerre, et jusque dans les années 1980, les voyages scolaires se sont développés essentiellement en montagne. Cette période marque l'âge d'or des classes de découverte et de l'éducation populaire. Beaucoup de mairies, en particulier communistes, acquièrent des centres d'accueil et y envoient tous leurs élèves.
Dans les années 1980, l'Éducation nationale développe à son tour une politique ambitieuse. Les classes de découverte se diversifient progressivement, s'ouvrent à de nouvelles destinations – classes de mer, classes « vertes » ou de nature dans les territoires ruraux – et visent de nouveaux objectifs pédagogiques.
Les bénéfices associés aux voyages scolaires sont très nombreux. Ils sont pédagogiques, mais également personnels et collectifs. Ils contribuent à l'éveil de nos enfants, à la transformation des rapports humains au sein de la classe et à l'apprentissage des règles élémentaires de vie en collectivité.
Sur le plan pédagogique, les voyages scolaires permettent l'acquisition de connaissances et de compétences nouvelles, à la fois concrètes et pratiques, dans un cadre propice au développement de la curiosité et de nouveaux savoirs. Les élèves pour lesquels l'acquisition des savoirs théoriques est plus difficile peuvent se révéler grâce à d'autres apprentissages, ce qui change aussi le regard que ces enfants portent les uns sur les autres.
Les voyages scolaires sont souvent l'une des premières expériences des enfants, loin de leurs parents, en collectivité. Ils sont un premier pas vers l'autonomie et la confiance en soi. La découverte des règles de vie en collectivité joue un rôle fondamental dans la socialisation. De l'avis unanime des enseignants, ces expériences vécues loin de l'école soudent une classe et renforcent les liens avec les professeurs. En outre, elles permettent parfois d'identifier des situations de harcèlement ou de maltraitance.
Les classes de découverte sont aussi un moyen de réduire les inégalités sociales. Pour de nombreux jeunes, elles offrent l'occasion unique de découvrir un horizon différent et de vivre une première expérience à la mer, à la montagne ou à la ville. Ces moments favorisent l'estime de soi des enfants, la fierté, mais aussi l'intégration de valeurs républicaines. Cette France plurielle, c'est aussi leur pays !
Malgré tous leurs avantages, les voyages scolaires sont aujourd'hui moins encouragés que par le passé et leur organisation se heurte à de nombreux obstacles. En 1995, puis en 1998, deux accidents tragiques, ayant entraîné la mort d'enfants et de leurs accompagnateurs, ont mis un coup de frein aux départs. Les textes du ministère de l'Éducation nationale sont devenus progressivement plus contraignants.
Il est particulièrement difficile, si ce n'est impossible, de disposer de chiffres précis au niveau national et donc d'évaluer l'évolution des classes de découverte en nombre, en typologie et en nuitées depuis trente ans. Néanmoins, les acteurs de terrain – enseignants, parents d'élèves ou associations d'éducation populaire – alertent tous, d'une part, sur la tendance à la diminution du nombre de voyages scolaires, qui s'est accélérée avec la pandémie de covid, et d'autre part sur les difficultés qui pèsent sur leur organisation.
Parmi les freins à l'organisation des voyages scolaires, il en est deux majeurs.
Le premier concerne le financement. Le coût des classes de découverte a explosé ces dernières années, notamment en raison du transport, qui a connu une hausse de 50 % en trois ans. S'agissant de l'hébergement, les centres d'accueil doivent faire face à une augmentation importante de leurs charges, notamment énergétiques. Dans ces conditions, il est de plus en plus difficile de respecter l'objectif impératif d'un reste à charge minimal pour les familles. Certes, les situations varient beaucoup selon les territoires, en fonction de la mobilisation des parents d'élèves qui peuvent organiser des actions bénévoles, et du soutien financier accordé par les communes, dont il faut saluer l'engagement important et ancien. Les régions et les départements peuvent parfois apporter leur contribution, mais leur implication reste très hétérogène.
Un acteur reste, en revanche, assez absent : l'État. Cette situation est problématique, car l'absence de dispositif au niveau national renforce les inégalités entre les enfants des territoires les plus riches et ceux des territoires les moins aisés, ou n'ayant pas une politique volontariste en la matière.
Le second frein est la charge administrative qui pèse sur l'enseignant organisateur, ainsi que l'absence de reconnaissance et de valorisation de son travail.
L'organisation d'un voyage scolaire nécessite de nombreuses heures de préparation pour constituer les dossiers administratifs, identifier le centre d'accueil, trouver les adultes bénévoles ou accompagnateurs, choisir un transporteur, demander des devis et préciser le projet pédagogique. En outre, pour des raisons culturelles qui leur sont propres, la réticence des parents à l'égard de ces séjours s'est accrue au fil du temps. Cette difficulté, qui suppose de passer du temps à convaincre les familles, a été évoquée à plusieurs reprises au cours des auditions.
Pendant le séjour en lui-même, le temps de travail des enseignants dépasse largement le cadre habituel puisqu'ils encadrent les élèves la journée, le soir, la nuit, le mercredi et parfois même le week-end. Outre les lourdes responsabilités qui pèsent sur eux, ils doivent sacrifier ponctuellement leur vie personnelle et faire face à des contraintes pratiques parfois importantes, notamment lorsqu'ils doivent trouver et financer des solutions de garde pour leurs propres enfants.
Aujourd'hui, la réalité est que les enseignants organisent ces voyages de manière totalement bénévole, mus uniquement par l'immense intérêt pédagogique que ceux-ci représentent pour leurs élèves.
Dans ce contexte, si aucune action publique d'ampleur n'est conduite, nous continuerons d'assister à la diminution progressive du nombre de voyages scolaires, alors qu'ils sont plus que jamais nécessaires pour ouvrir l'esprit de nos enfants et leur faire partager les valeurs républicaines.
Le Gouvernement semble prendre conscience de ce problème. La circulaire du 13 juin 2023 marque un regain d'intérêt de l'Éducation nationale pour ces sujets. Des mesures de facilitation ont été mises en œuvre, comme le catalogue national des structures d'accueil et d'hébergement ou la réduction du délai d'instruction des dossiers de huit à quatre semaines, la décision incombant désormais à l'inspecteur de circonscription et non plus au directeur académique.
Ces évolutions sont certes bienvenues, mais elles restent insuffisantes compte tenu des enjeux. La circulaire énonce un objectif : « Tout élève, quel que soit son milieu social d'origine, doit pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire. » Malheureusement, celui-ci n'est que trop rarement atteint. Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions, ce qui est l'objet de cette proposition de loi (PPL).
L'article 1er vise à soutenir financièrement les départs de voyages scolaires d'au moins trois nuitées, grâce à la création d'un fonds national d'aide au départ des voyages scolaires. Le principe d'un fonds permettant de financer les voyages scolaires serait ainsi consacré dans la loi.
Cet article complète un amendement que j'ai présenté dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 et qui a été retenu par le Gouvernement, ce dont je le remercie. Cet amendement a abondé de 3 millions d'euros le programme 230, Vie de l'élève, de la mission Enseignement scolaire pour le financement des classes de découverte. S'il est difficile d'établir un chiffrage précis en l'absence de données du ministère, nous pouvons considérer qu'il permettra une aide comprise entre 700 et 1 000 euros par classe selon le coût du séjour.
L'article 2 vise à valoriser l'engagement des professeurs par une reconnaissance financière. Il instaure un mécanisme d'indemnisation des enseignants du premier degré qui préparent, organisent et participent aux voyages scolaires. Par souci de simplicité, nous proposons que cette indemnisation s'inscrive dans le cadre du pacte enseignant. L'article prévoit donc que chaque enseignant chargé d'une mission d'accompagnement d'un voyage scolaire se verra attribuer une part fonctionnelle pour mission complémentaire, ce qui correspond à 1 250 euros.
Dans toutes les auditions que nous avons menées, les représentants des familles, des structures de l'éducation populaire ou des syndicats enseignants ont été unanimes pour reconnaître l'intérêt pédagogique majeur de ces séjours.
Pour conclure, je vous livrerai une expérience personnelle. Quand j'étais enfant, mes parents n'avaient pas le temps de nous emmener en vacances. Je n'avais jamais vu la mer et j'en nourrissais un complexe vis-à-vis de mes camarades. C'est une classe de mer, en Bretagne, qui m'a permis de la découvrir, de refermer cette blessure et de m'ouvrir à d'autres apprentissages. Je garderai ce souvenir toute ma vie !
Par ailleurs, fille de moniteur de ski, j'allais, avec mon père, remettre leurs étoiles aux enfants des villes de Colombes et de Sannois. Ils venaient d'un milieu culturel très différent du mien et n'avaient souvent pas la même couleur de peau, mais je voyais dans leurs yeux une telle fierté, une telle joie, au moment où ils recevaient ces médailles que cette expérience a fait naître quelque chose en moi. J'ai compris l'importance des valeurs républicaines et la nécessité de partager l'amour de notre pays. C'est pour tous ces enfants-là, pour continuer à voir la joie dans leurs yeux, que j'ai souhaité défendre cette PPL !